Il était une fois un clap, Michel Wyn, Kyklos éditions
Un récit plein d’allant, des personnages truculents, des dialogues à la Audiard et une immense tendresse pour toutes ces « petites mains » qui font le cinéma. Hommage au 7e art, Il était une fois un clap de Michel Wyn, vieux briscard des plateaux, raconte le naufrage d’un film porté par une équipe de bras cassés plus ou moins fauchés. A travers les péripéties rocambolesques de Jean-Michel Lavarède, aspirant réalisateur et fondateur enragé du cinéclub Cinépassion, et Boris Villeneuve, acteur noir qui refuse tous les rôles « ethniques » qu’on lui propose, l’auteur dévoile les coulisses de tournage et les menus tracas de la profession cinématographique.
Comment trouver un financement quand on demeure un illustre inconnu ? Pour le scénario, doit-on faire confiance à un nègre qui emploie lui-même un autre nègre dit nègre au carré ? Est-il judicieux de placer toutes ses économies et son héritage dans les mains d’un producteur tape à l’œil ? Faut-il s’entourer de gros bras avec des accointances pas très claires en préfecture pour tourner tranquille ? Et les décors ? Comment faire pour réduire les coûts sans sacrifier au réalisme ou à l’onirisme ?
Jacques Balutin, dans la préface, affirme : « Tout, tout, vous saurez tout sur le ciné ! » Il a raison, la lecture de cet ouvrage devrait être recommandée à tous les jeunots qui veulent se lancer dans le métier. Loin des fastes de Hollywood et du glamour de Cannes, le cahier des charges de Monsieur Wyn dessine un paysage interlope tout aussi cinématographique et plus proche du réel que la machine à rêve qu’on veut souvent nous vendre.
Dans sa postface, Wyn alias Tintin (son alter-ego dans le bouquin) s’excuse auprès des confrères et compagnons de route dont il s’est inspiré pour ses héros. Quiconque a, même de loin, fréquenté le milieu reconnaîtra dans les personnages croqués avec amour par Wyn des figures typiques de la profession : la jeune première, mal payée et découverte à la va-vite, qui minaude auprès du réalisateur avant de virer diva, le scénariste farfelu mais capable de pondre, sous nom d’emprunt, des scenarii au kilomètre, les agents peu scrupuleux, mais intermédiaires nécessaires, le colosse qui se révèle un excellent technicien et homme à tout faire, la scripte qui régente, une main de fer dans un gant de velours…
Le récit de Wyn, très original et sans aucun temps mort -je l’ai lu d’une traite !- créé des effets de miroirs entre ses personnages et d’autres, déjà portés à l’écran. L’acteur principal, Ruben, est un pastiche de Peter Falk alias l’inspecteur Colombo. Quant au carnet d’adresses et à la longue expérience des frères Chamoun, ils m’ont rappelé la série Friends et la voix rauque mais décidée d’Estelle, l’agent pas fashion du tout qui finissait par dégoter à Joey Tribbiani le rôle de sa vie dans Days of our lives. Des parallèles qui évolueront certainement en fonction des lecteurs et de leurs influences respectives.
Porté par une énergie communicative, Il était une fois un clap comporte de nombreuses scènes désopilantes qui, l’air de rien, moquent gentiment les travers et l’égo des passionnés de cinéma. Jean-Mi est abandonné par sa femme qui délaisse son encyclopédie cinématographique vivante pour un sportif au teint moins blafard, le créatif de la mairie de Malakoff propose le morpion (symbole de parasitage artistique) comme trophée du festival Making-Off à Malakoff ! Ruben tombe fou amoureux d’une doctorante latiniste de l’Institut Catholique qui se refuse à lui. Les bons mots et les rebondissements s’enchaînent sans jamais céder à la facilité car derrière l’humour potache un brin superficiel se cache un véritable désir d’auteur.
A l’image des pépés de la maison de retraite qui aident Jean-Mi, l’oncle Cécel, propriétaire du fameux clap, et ses deux acolytes, les deux R qui officient au son et à l’image, Michel Wyn est un vieux de la vieille. Qu’il me pardonne cette expression s’il lit cette chronique. Et son livre, c’est avant tout l’histoire d’une transmission, celle d’un amour-fou pour le cinéma mais aussi d’un savoir-faire. Récit d’une filiation joyeuse, qui envoie balader la servilité et où il ne sera jamais question de reconnaissance de dettes. Sur le tournage des Chocolats de Novossibirsk, qui deviendra L’homme qui rit, librement adapté de Victor Hugo, puis L’homme qui rit jaune (le making-of du film maudit – tiens, ça rappelle le destin de L’homme qui tua Don Quichotte et Lost in la Mancha de Terry Gilliam), tout le monde, même les « ripoux » de départ, finissent par apporter leur pierre à l’édifice collectif et signer de vrais chèques. Le cinéma, c’est une affaire de famille, avec des pièces rapportées, un travail de troupe, de romanichels, prêts à se sacrifier pour donner corps à leur illusion et offrir à leur tour un peu de rêve.
Dans Il était une fois un clap, il est question de signes et de destin. On le sait, les gens du show-biz sont superstitieux dans l’âme. Un peu joueurs aussi, après tout, quand on croit à la magie de la pellicule, en dépit de toutes les contraintes et les aléas rencontrés, il faut savoir concilier pragmatisme et pari risqué. Lucette, la bonne fée du livre, tire régulièrement les cartes, qui annoncent ou remettent en cause le happy-end tant attendu !
Je préserverai le suspense final mais, en tout cas, si comme moi, vous êtes tombés dans la marmite du cinéma, à travers les yeux d’un grand-père ou de toute autre figure protectrice qui vous a transmis le virus, courrez vous procurer Il était une fois un clap, ou offrez-le à votre tour à un être aimé, pour que la passion reste vivace et le rêve éternel.
Il était une fois un clap
Michel Wyn
Broché: 230 pages
Editeur : Kyklos Editions (2 décembre 2013)
Langue : Français
ISBN-10: 2918406333
ISBN-13: 978-2918406334
Dimensions du produit: 20,5 x 1,7 x 14 cm
19€
out tout, vous saurez tout sur le ciné !
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