10 000 kilomètres, Carlos Marques-Marcet, 29 avril 2015
Consacré par le Goya du meilleur réalisateur pour un premier long-métrage, Carlos Marques-Marcet signe un film minimaliste sur un couple séparé par 10 000 kilomètres. Alexandra et Sergi s’aiment passionnément. Ils habitent un appartement cosy qui reflète leurs passions pour la musique et l’art. Sergi se prépare mollement à passer un concours pour obtenir un poste d’enseignant titulaire. Alex, talentueuse photographe, a postulé pour une résidence d’artiste de l’autre côté de l’Atlantique, à Los Angeles, bien loin de Barcelone. Le film s’ouvre sur les ébats du couple. Un long plan séquence, où se déploie, en douceur, toute l’intimité des amants. Car ce qui importe, c’est surtout ce qui se joue avant et après l’acte. Dans 10 000 kilomètres, romance policée d’un amour fiévreux, il est beaucoup question de cadres et d’espaces : technologiques, géographiques, et cinématographiques.
Du duo, Alex est certainement le personnage le plus intéressant : mutine et spontanée, elle n’en demeure pas moins maîtresse d’elle-même et du sens qu’elle veut donner à sa vie. Prête à avoir un bébé avec Sergi, elle lui a aussi caché sa candidature. Lorsqu’elle reçoit l’e-mail de confirmation tant attendu, sa relation sentimentale passe au second plan. Pas par simple égoïsme ou désinvolture; la jeune femme, sûre d’elle même, est certaine d’avoir pris la bonne décision. Quel cadre donner à cette relation forcément longue-distance qui va devoir se réinventer, loin du groupe d’amis communs et de l’espace protégé de l’appartement de Barcelone ?
Le film, un peu autobiographique, repose sur un postulat cinématographique et social simple : montrer comment, depuis quelques années, les outils 2.0 sont au service de nos relations sentimentales… en facilitant le contact, même à des kilomètres de la personne aimée ou désirée. Mais, Carlos Marques-Marcet montre, avec humour et désillusion, comment skype, whatsapp et facebook, ne sont justement que des cadres qui donnent à voir une image partielle et parfois trompeuse sans jamais ressentir ou toucher. Pas de véritable fenêtre sur le réel grâce aux nouvelles technologies : tel semble le message du réalisateur. A partir d’un scenario assez dérisoire, l’équipe du film -les acteurs en tête- réussit le tour de force de nous intéresser à cette histoire d’amour uniquement médiatisée par des écrans informatiques. Mais, peut-on encore parler de relation, de couple ou de sentiments lorsqu’ils ne trouvent plus à s’incarner ? C’est là que le physique refait surface, brutalement et avec aigreur à travers la frustration et l’incompréhension de Sergio qui en a marre d’échanger des promenades ou des repas virtuels.
Très finement, les dispositifs techniques -miroirs des outils technologiques choisis par Alexandra pour rester proche de Sergi- dévoilent des espaces intermédiaires où viennent se loger jalousie, ressentiment, destruction et surtout oubli. Pendant une conversation skype, le visage de Sergi apparaît ainsi complètement masqué par une myriade de fenêtres réduites qui représentent les photographies prises par Alex. Et le jeune homme de surveiller chacune des publications facebook de sa bien-aimée, à la recherche d’un potentiel rival qui aurait pu l’éclipser. Dans un monde où, pour beaucoup, l’estime de soi se nourrit des marques d’affection (likes, pokes) virtuelles, 10 000 kilomètres renverra le spectateur à la vacuité potentielle de ce type de contacts… avec peut-être pour certains, cet horrible constat : maintenir un échange virtuel avec quelqu’un ne signifie pas qu’on l’aime encore ou pire qu’on l’ait jamais aimé un jour.
Date de sortie : 29 avril 2015 (1h39min)
Réalisé par Carlos Marques-Marcet
Avec Natalia Tena, David Verdaguer
Genre : drame
Nationalité : espagnol
10000 km (bande-annonce) par IsabelleBuron
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