Film culte (4) : The Artist, Michel Hazanavicius, 2011

Avec The Artist, ovni dans le cinéma français actuel de par sa forme et sa facture dramatique, Michel Hazanavicius signe un hommage aux films des années 1920. Offrant à Jean Dujardin son plus beau rôle à ce jour, le réalisateur braque ses projecteurs sur une période charnière dans l’épopée du cinéma, le passage du muet au parlant.

Si l’on doutait des capacités de Jean Dujardin à incarner un rôle dramatique, The Artist balaie ces interrogations. Les mimiques habituelles de l’acteur –parfois agaçantes- servent ici une intrigue qui met en lumière la descente aux enfers de George Valentin, star trop orgueilleuse qui n’arrive pas à se résoudre à tourner dans des films parlants. Hommage à une époque -les années folles- et à un genre de film -le muet-, The Artist est une œuvre multi-référentielle d’une rare beauté plastique.

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Michel Hazanavicius fait le pari d’entraîner le spectateur dans un univers qui mérite d’être redécouvert. Reconstituant l’ambiance d’une époque glorieuse où le nom d’une seule célébrité suffisait à assurer le succès d’un film, le réalisateur remplace dialogues par cartons, redonnant à la musique son rôle originel de vecteur d’émotions. Film clin d’œil, en trompe-l’œil, The Artist rappelle l’entreprise de Billy Wilder, réalisateur de Boulevard du Crépuscule, film noir des années 1950 et monument national du cinéma américain. Gloria Swanson, star déchue du muet, y interprétait justement une actrice des années 1920 à la dérive… Ce film, réflexion sur Hollywood comme machine à broyer, avait permis à la star vieillissante d’opérer un come-back réjouissant, renvoyant dos à dos les critiques qui la disaient finie et les spectateurs qui jugeaient les acteurs de cette époque surannés et ennuyeux.

Dans Boulevard du crépuscule, plusieurs stars du muet –Buster Keaton notamment- faisaient des apparitions fugaces. Si Hazanavicius n’a pu les ressusciter pour The Artist, il a choisi des acteurs qui les font revivre à l’écran. On notera la ressemblance frappante entre Clifton (magnifiquement interprété par James Cromwell), l’employé fidèle et dévoué de Georges Valentin, et William Desmond Taylor, acteur qui conduisait une voiture identique à celle du chauffeur de The Artist. Les procédés techniques -incrustation de Jean Dujardin dans des films d’époque- renforcent le mimétisme entre l’acteur français et Douglas Fairbanks. Enfin, la scène d’anthologie où le chien de George Valentin réussit à prévenir un policier de l’incendie qui dévaste la demeure de son maître rappelle un incident véridique : Kentucky Boy III, chien hollywoodien, était parvenu à alerter des pompiers, sauvant la vie de plusieurs personnes prises au piège dans des studios dévorés par les flammes en 1929.

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Mais, le réalisateur, qui s’est manifestement bien documenté, ne se contente pas de reconstituer une époque fantasmée. En brassant musiques actuelles, morceaux de bravoure jazz, bandes sons de films (Vertigo d’Hitchcock), et ritournelles d’antan, The Artist convie le spectateur à un véritable voyage sensoriel. A l’heure de la pseudo-révolution 3D, on reste pantois devant autant d’inventivité : le noir et blanc ou la présence de cartons, parents pauvres de la déferlante visuelle et cinématographique, n’empêchent pas la magie d’opérer. Et l’on suit avec émotion les chassés-croisés amoureux de Georges Valentin et de Peppy Miller (Bérénice Béjo), étoile montante du parlant.

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Michel Hazanvicius a pris soin de réunir son duo gagnant d’OSS 117, Le Caire Nid d’espions. L’alchimie qui unit Bérénice Béjo et Jean Dujardin rend crédible cette histoire d’amour sur fond de rivalité professionnelle entre une figure du muet et une autre du parlant, thème déjà exploité dans de nombreuses autres productions comme Chantons Sous la Pluie.

La séquence de fin où George Valentin renoue avec le succès en formant un duo de danseurs de claquette avec Peppy Miller clôture le voyage temporel du spectateur et la parenthèse référentielle nostalgique : de Charlie Chaplin à Douglas Fairbanks jusqu’à Gene Kelly en passant par Citizen Kane d’Orson Welles, The Artist a rendu un bel hommage aux défricheurs de génie qui ont permis au cinéma de devenir le septième art.

The Artist - Peppy Miller

Date de sortie : 12 octobre 2011 (1h40min)
Réalisé par Michel Hazanavicius
Avec Jean Dujardin, Bérénice Bejo, John Goodman…
Genre : Romance

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