Dear White People, Justin Simien, en salles le 25 mars

Dear White People, premier long-métrage de Justin Simien, a enthousiasmé les spectateurs et jurys de Sundance… festival qui se distingue de plus en plus souvent par une production formatée et ultra-clichée confinant à l’auto-parodie. Qu’on se souvienne de la vidéo « Not another Sundance movie » qui tirait à boulets rouges sur la vénérable institution fondée par Robert Redford.

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Heureusement, Dear White People n’est pas un énième film « from a film student with a rich uncle and actor trying to be a director. » Justin Simien signe là son premier film, mais il a fait ses armes comme publicitaire pour des sociétés de production cinématographique (Paramount, Focus Pictures…) DWP n’est donc pas du travail d’amateur et se distingue par sa maîtrise visuelle et formelle. Entrecroisant avec brio quatre portraits de jeunes étudiants noirs choisissant des stratégies différentes pour s’intégrer dans l’une des plus prestigieuses universités nord-américaines, Simien réalise un film au vitriol sur l’hypocrisie des élites blanches et les questions de race dans une ère post-Obama.

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Film à thèse, oui en partie, comme le prouvent dans le générique de fin, les extraits d’articles de presse ou d’émissions de télévision dénonçant les soirées « Libérez le noir qui est en vous » organisées un peu partout dans les universités américaines. Mais, DWP est surtout une comédie aux dialogues incisifs et hilarants. Forcer le trait, accentuer les travers d’un individu, pour mieux saisir et mettre en lumière une vérité profonde, telles sont les armes du satiriste. Le réalisateur ne se contente pas de caricatures grossières. Peu à peu le fils à papa, la diva en quête de reconnaissance, la rebelle de service et l’intello timide révèlent d’autres pans de leur personnalité. Pas étonnant donc que le dénouement de cette guerre des clans n’ait lieu dans une soirée masquée, où les belles façades de rigueur finiront pas se lézarder complètement. La bande-son, qui accompagne les  épiphanies de nos 4 héros et les rebondissements politico-amoureux agitant le campus, surfe sur plusieurs styles : classique, sophistipop (Starchild & The New Romantic), rap (Blackface and Sean Wyze).

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Coté visuel, un excellent montage marrie harmonieusement séquences à l’esthétique vidéo-clip, face-à-faces mélodramatiques outranciers et scènes de pure parodie. Par des effets d’inserts, le réalisateur accélère l’action et montre l’intérêt, dans un jeu de pouvoir, de bien maîtriser les réseaux sociaux et les techniques de marketing viral. Techniques qu’il a lui-même utilisées pour attirer l’attention sur un film qui aurait pu n’en rester qu’au stade de brouillon. La filiation entre les émissions radiophoniques décapantes de Samantha White et la campagne twitter du réalisateur @Dear White People est par ailleurs évidente dans cette réplique -qui deviendra peut-être culte : « Chers Blancs, le minimum d’amis noirs pour ne pas paraître raciste est maintenant passé….à deux (…) et votre dealer de shit ne compte pas. »

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Film confus car voulant embrasser trop de thèmes sans vraiment en traiter un seul en profondeur ? Que nenni, mes amis! Pas besoin de s’encombrer d’appareil historiographique régurgité, de se perdre en références hagiographiques pompeuses pour signer un film majeur sur la question noire contemporaine. Si Justin Simien cite volontiers Robert Townsend et Spike Lee comme influences cinématographiques, il s’émancipe de ce qui tout, jusqu’à présent, avait pu être dit ou montré. Les esprits de chapelle seront peut-être chagrinés et confus de le voir renvoyer dos à dos élites blanches bien-pensantes et activistes noirs avides de pouvoir dans un joyeux jeu de massacre qui dynamite normes et conventions sociales sur son passage… à moins qu’à l’instar de Samantha White, alter-ego du réalisateur, on ne finisse par choisir la liberté et les délices du off-campus.

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Date de sortie : 25 mars 2015 (1h48min)
Réalisé par Justin Simien
Avec Tyler James Williams, Tessa Thompson, Kyle Gallner…
Genre : Comédie

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