Big Eyes, Tim Burton, le 18 mars en salles

Lorsqu’il était amoureux de Lisa Marie Presley, Tim Burton fit faire d’elle deux portraits par l’artiste Margaret Keane, connue pour ses tableaux d’enfants aux grands yeux tristes. Les liens se sont distendus avec Lisa Marie pas avec Margaret Keane, née Peggy Doris Hawkins. Avec Big Eyes, Tim Burton signe un biopic de facture classique qui tranche visuellement avec ses précédentes réalisations tout en renouant avec les obsessions les plus profondes du réalisateur d’Ed Wood et de Big Fish

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Tim Burton, encensé ou détesté pour son goût du macabre et du kitch, ne pouvait qu’être fasciné par le destin de Margaret Keane. Pendant des années, cette femme est restée dans l’ombre de son mari, Walter, qui s’accrédita les toiles qu’elle peignait à tour de bras, recluse dans une petite chambre de leur vaste et somptueuse propriété californienne. Jeune maman divorcée, Margaret fut dépossédée de son art par un époux qui avait bien compris comment tirer parti de son immense talent et surtout de sa faible estime. Le nouveau film de Burton montre parfaitement les rouages psychologiques du type d’emprise qu’exerçait cet ex-vendeur immobilier sur sa frêle épouse artiste. Les gros plans sur le visage de Margaret se succèdent pour témoigner de son progressif affaissement moral.  A ce titre, le film est édifiant et son visionnage devrait être prescrit à toutes les personnes dépendantes dont la volonté et la personnalité sont annihilées par, au choix, un petit-ami violent, une mère sadique, un collègue de travail despotique, une vieille dame langue de vipère… car la manipulation, commune à ces sordides personnages, se conjugue autant au masculin qu’au féminin.

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La direction d’acteurs est excellente : aucune erreur de casting, Tim Burton a bien fait d’opposer la fragile mais lumineuse Amy Adams (sacrée meilleure actrice aux derniers Golden Globes) au cabotin -presque attachant- Christoph Waltz, petit escroc dont le charisme n’a d’égal que son immense narcissisme. A l’exception de quelques ellipses -de toute manière nécessaires pour ne pas plomber une intrigue longue d’1h47mn- le dernier long-métrage de Burton met fidèlement en scène plusieurs épisodes du destin du couple Keane : la rencontre lors d’une foire en plein air, les premières expositions dans un club de jazz, le succès auprès de la presse people de l’époque, les premiers mensonges par omission de Margaret qui accepte de ne pas révéler être l’auteur des toiles, les crises de violence du mari, la commande pour l’exposition universelle, la fuite à Hawaï de mère et enfant, la révélation surprenante sur les ondes radiophoniques, le procès rocambolesque où Walter, plus arrogant et allumé que jamais, assure sa propre défense…

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Amy Adams compose un personnage tragique de blonde platine qui rappelle beaucoup Marilyn Monroe et le spectateur ne peut que compatir à son triste sort… Mais, Burton prend soin de laisser quelques zones d’ombre (sur l’enfance, les désirs profonds de Margaret) qui plongent cette histoire biographique crédible dans une ambiance mystérieuse tout en ménageant le suspense. Au fond, pourquoi Margaret s’est-elle laissée embarquer dans cette sordide histoire d’amour et de trahison artistique ? Pourquoi a-t-elle attendu aussi longtemps pour se révolter et réclamer son dû ? A la fin -et malgré le caméo de la vraie Margaret- la question reste sans réponse. Via la reconstitution historique et la représentation acide du monde des collectionneurs d’art, quelques pistes : une femme peintre vendait moins qu’un homme, l’église et les médias se chargeaient bien de rappeler aux épouses que leur vocation était familiale et non artistique… Au passage, Burton rend un hommage involontaire (?) au génie marketing de Mister Keane, qui bien avant Andy Warhol, décida de maximiser ses profits en produisant des œuvres en sérigraphie, façon poster et produits cheap tout en s’attirant les bonnes grâces de célébrités comme Joan Crawford.

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On regrettera que d’excellents acteurs n’aient été réduits à des seconds rôles peau de chagrin et un brin caricaturaux : Jason Schwartzman (Ruben, le responsable de galerie branché), le flegmatique Terence Stamp (John Canaday, critique racé et hautain). Dommage aussi que la poésie de Burton n’ait trouvé plus de moyens visuels pour s’intégrer au scenario – à l’exception de la très réussie scène du supermarché mais peut-être, était-ce aussi l’objectif de Burton, que de signer un film en apparence si classique qu’il semble impersonnel, pour derrière le regard des enfants tristes, réaliser l’une de ses œuvres les plus personnelles avec Ed Wood et Big Fish où l’on retrouvait déjà la figure de l’affabulateur, qui finissait par se perdre dans ses mensonges les plus grotesques…

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Date de sortie : 18 mars 2015 (1h47min)
Réalisé par Tim Burton
Avec Amy Adams, Christoph Waltz, Danny Huston…
Genre : Biopic, drame

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