Ze craignos monsters : le retour du fils de la vengeance, JPP

En plein milieu d’une semaine grise et super morose, je m’aperçois que Jean-Pierre Putters, fondateur de Mad Movies, a gratifié cet humble site d’un facebook like…et deux jours après, je reçois Ze craignos monsters, son nouveau bouquin, de la part de l’éditeur Vents d’ouest… de quoi se ragaillardir et s’atteler à son clavier… JPP, si vous ne le connaissez pas, est le type qui a fait découvrir à des millions de lecteurs et lectrices français le cinéma de genre. Signant ses articles d’un simple mais néanmoins énigmatique JPP, il était -et reste- le meilleur pour parler, avec amour et ironie, des craignos monsters de la science-fiction, du gore et du cinéma fantastique.

Si l’aventure a pris fin avec Mad Movies, elle s’est poursuivie avec Metaluna, et surtout la réédition de Ze Craignos Monsters, une série de trois ouvrages incontournables sur les étranges créatures -toujours hideuses et très souvent désopilantes- qui peuplent nos écrans noirs.

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Les dangers des radiations atomiques… Creature with the Atom Brain, Edward L. Cahn, 1955

Dédier sa vie à des monstres imaginaires, ça ne semble pas très sérieux. Pourtant, les écrits de JPP sont salutaires… pour plusieurs raisons.

Passons rapidement sur l’immense culture cinématographique de JPP, qui maîtrise ses dates de sortie de films, noms de réalisateurs, remakes et filiations diverses et variées mieux que personne. Ze Craignos Monsters est un peu la bible des monstres sur celluloïd. Truffé d’anecdotes sur des tournages souvent épiques de films devenus cultes, l’ouvrage de JPP comporte pas mal d’extraits d’interviews qui nous font revivre l’histoire du cinéma de genre : des balbutiements aux heures glorieuses pour finir avec des productions récentes moins fauchées.

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The blob (1988, Chuck Russell) remake du Blob de 1958 avec Steve Mc Queen.

Avec humour, ironie et finesse, l’auteur parvient à hisser des films qu’on relègue toujours au bis au rang d’œuvres intelligentes. La cause paraît acquise tant Ze Craignos Monsters s’adresse -en premier lieu- aux fans de films zarbis et trash. Mais, sa lecture devrait être prescrite à l’ensemble de la population. Pourquoi ? Parce qu’on oublie souvent qu’au-delà du simple effet grotesque produit par le Blob, Frankenstein, les aliens de Mars Attacks, la mouche, le Poupon Pompant ou Ogg, la monstruosité de la créature révèle les travers, les faiblesses et les lâchetés morales de la race humaine.

Ogg dans The three stooges in orbit (1962)

Les twists scénaristiques des épisodes de la série TV à succès La Quatrième Dimension fonctionnaient d’ailleurs presque tous sur ce principe. Dans les années 1960, trois épisodes mettaient en scène la sauvagerie inhérente au genre humain, laissant entendre que la véritable menace provenait de l’intérieur et non de l’extérieur. En particulier, l’épisode « The Monsters Are Due on Maple Street » (1960) montrait comment une communauté tout entière se transformait en une foule vengeresse aveuglée par les préjugés, prête à en découdre avec les personnes présentant des attitudes – inoffensives- jugées anormales (à savoir lire des bandes-dessinées et se passionner pour l’astronomie).
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Contes moraux, les films de genre sont aussi le reflet des peurs d’une époque : qu’on songe aux récits paranoïaques de colonisation extraterrestre faisant écho à la terreur du communisme ou aux humains victimes de mutations sous l’effet de radiations nucléaires pendant la guerre froide. Les monstres du grand écran illustrent souvent à leur corps défendant les méfaits de la science lorsque l’homme se rêve l’égal d’un Dieu…

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Parfois, le côté anarchique et craignos de certaines productions vise moins la dénonciation que la saine catharsis. Ainsi, du réalisateur Bert I. Gordon, JPP écrit : « il prend plaisir à faire partager au spectateur cette sensation masochiste et destructrice que l’être civilisé porte quelque part en lui, telle une soupape libératrice, face à un monde trop bien construit, trop bien régenté, et finalement carcéral. »

Bert I Gordon, et le masque utilisé pour The Cyclops (1957)

Le monstre est donc libérateur et pas destructeur… Suivez-le, à sa suite, vous aurez peut-être accès à certaines vérités inhérentes au genre humain, nos réactions épidermiques, irrationnelles et « craignos » face à l’altérité et alors, mais cela sera peut-être trop tard, vous pourrez vous demander « Mais qui est vraiment le monstre ? »

Ze Craignos Monsters, c’est aussi et surtout :

  • des portfolios sur les principales créatures mythiques du fantastique (vampires, momies, loups-garous, yétis…)
  • Des portraits de cinéastes comme Roger Corman, Gordon H. Lewis, Jack Arnold, Edward L. Cahn
  • les conseils du Docteur Jabuse pour se débarrasser des monstres
  • une préface de Joe Dante (Gremlins…)
  • un dossier complet sur 1984 de George Orwell

et plein d’autres surprises en 240 pages de bonheur, avec plein de somptueuses illustrations !

Ze Craignos Monsters
Le retour du fils de la vengeance

Jean-Pierre Putters

Vents d’ouest

26 novembre 2014 / 35,50 euros / 240 pages / Cartonné

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