Imitation Game, de Morten Tyldum, le 28 janvier 2015.

Alan Turing, mathématicien farfelu, est le père de l’intelligence artificielle et le créateur du premier ordinateur.  Imitation Game, réalisé par Morten Tyldum, s’attarde sur le travail de Turing pendant la seconde guerre mondiale, à Bletchey Park, mecque de la cryptographie et du contre-espionnage. Un biopic efficace, qui n’évite pas les erreurs historiques, à voir essentiellement pour le formidable numéro d’acteur de Benedict Cumberbatch.

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On pourrait croire qu’après avoir incarné Sherlock Holmes pour le petit écran, se glisser dans la peau d’un savant féru de logique et de puzzles intellectuels relèverait du jeu d’enfant pour Benedict Cumberbatch. L’acteur livre une excellente interprétation mais le pari était loin d’être gagné. Alan Turing demeure en effet un véritable mystère. L’excellente biographie que lui a consacré Andrew Hodges, dont s’inspire vraisemblablement le film de Morten Tyldum, est loin de lever complètement le voile sur la personnalité complexe de cet universitaire British, pure produit des public schools et de Cambridge.

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Arrogant et narcissique, Turing était aussi doté d’une extrême sensibilité qui l’inclinait à défendre et comprendre les personnes opprimées. Ambitieux mais pas arriviste, il n’hésitait pas à s’opposer à ses supérieurs hiérarchiques ou à se mettre lui-même sur la touche lorsqu’il s’agissait de défendre ses concepts ou inventions. Maniaque et anti-conformiste, son monde de rigueur cachait en fait une seconde-vie loufoque et passionnée… Alan Turing était une somme de paradoxes.

THE IMITATION GAME

Pour mieux cerner l’animal, la réalisation -de facture classique- s’appuie sur une narration éclatée avec des flashbacks et des prolepses (sauts dans le futur). Trois époques donc cohabitent dans Imitation Game : l’adolescence d’Alan Turing avec son amour naissant pour Christopher Morcom, un autre élève un peu plus âgé que lui; les années passées à Bletchey Park pour le projet Enigma, son arrestation pour atteintes aux mœurs au début des années 1950.

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Les flashbacks, assez peu nombreux, ne viennent pas polluer la trame principale – à savoir la course contre la montre haletante pour déchiffrer les messages codés nazis -au contraire, ils constituent un contrepoids émouvant aux scènes situées pendant la seconde guerre mondiale qui montrent un Turing imbuvable, incapable de s’intégrer dans un groupe. Le génie serait le fruit d’une enfance malheureuse,  le produit de maltraitances de la part des pairs ou des enseignants, à l’école, incapables de mesurer l’intelligence du futur scientifique. Un poncif, en quelque sorte mais joliment illustré dans ces séquences descriptives.

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On pourra cependant regretter l’obstination du réalisateur à susciter les larmes, quitte à tordre l’histoire. Ainsi,  dans le film, la machine capable de cracker le code allemand est appelée Christopher, en hommage au premier et seul véritable amour de Turing, décédé avant même de quitter les bancs de l’école. Le véritable nom de l’engin utilisé à Bletchey Park était plus patriotique : Victory. La scène finale, entre Turing et Joan Clarke (interprétée par Keira Knightley), une collaboratrice au projet Enigma et sa fiancée pendant quelque temps, est également très problématique. Le génie d’Alan Turing et son sacrifice -il sera castré chimiquement comme bien d’autres gays en Grande-Bretagne jusqu’en 1967) sont glorifiés au titre de sa participation à l’effort de guerre. Envolés, les apports considérables à la science d’un homme injustement puni pour le choix de ses partenaires amoureux et sexuels.

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Le film -qui se présente comme une sorte de panégyrique à la mémoire du mathématicien et un manifeste pour le respect des droits individuels- occulte aussi la manière dont Turing se suicida en 1954 : en croquant une pomme empoisonnée avec du cyanure, clin d’œil au long-métrage animé de Disney, Blanche Neige et les 7 Nains, qu’il vit au cinéma à de multiples reprises. Une pomme qui a contribué au mythe puisque la rumeur circule que le nom et le logo de la célèbre entreprise informatique nord-américaine, Apple, serait un hommage crypté à Alan Turing, père de l’informatique moderne.

Pour une biographie factuelle, dépourvue d’erreurs ou approximations, rendez-vous sur le musée des sciences de Manchester, en cliquant ici

Sortie : 28 janvier 2015 (1h55min)
Réalisé par Morten Tyldum
Avec Benedict Cumberbatch, Keira Knightley, Matthew Goode…
Genre : Biopic, Drame

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