Ceci est mon corps, Jérôme Soubeyrand, 10 décembre
C’est quoi être libre ? Pour répondre à cette vaste question, le scénariste Jérôme Soubeyrand puise dans ses racines familiales pour signer un premier long-métrage passionnant, drôle et émouvant. Dans Ceci est mon corps, Jérôme incarne Gabin, un prêtre qui abandonne subitement sa paroisse rurale ardéchoise pour retrouver Marlène (Marina Tomé) une artiste fantasque croisée lors d’une thérapie de groupe… Éperdu d’amour -et de sexe- Gabin, toujours vierge à plus de cinquante ans, débarque à Paris, bien décidé à vivre en homme libre.
Bonne idée de faire se rencontrer un curé et une femme libérée… Au-delà du comique de situation, Ceci est mon corps trace les contours d’une autre forme de dépendance. Gabin, pieds et poings liés, par ses vœux d’obéissance, d’abstinence et de pauvreté, se retrouve complètement accro à une actrice aux multiples partenaires. Des extraits des épitres de Saint Paul, textes fondateurs du clergé moderne et des réglementations sur le célibat des prêtres, viennent illustrer les tiraillements existentiels de Gabin. Et les séquences documentaires avec Michel Onfray parachèvent le portrait de Saint Paul en homme impuissant et surtout contre-nature.
La critique de l’institution ecclésiastique se poursuit avec l’évêque Gérard (Pierre-Loup Rajot) et le Père Alain (Hervé Blanc), les personnages des supérieurs hiérarchiques de Gabin. Ils lui conseillent de recourir à l’avortement pour éviter tout scandale ou de préférer aux femmes les jeunes hommes, moins compliqués à gérer dans les paroisses… Mais, le film de Jérôme Soubeyrand sonne juste parce qu’il renvoie dos à dos la morale catholique hypocrite et une forme de libertinage assumé mais non exempt de conséquences.
Ainsi, Marlène, rayonnante en initiatrice aux plaisirs, est au bord du gouffre quand son amant préféré, Christian (Hervé Dubourjal), metteur en scène et producteur, la délaisse pour retourner auprès de son épouse. Quant à Émilie (Laeticia Lopez), la compagne lesbienne de Marlène, elle finit par noyer son spleen en couchant avec Gabin, qu’elle juge aussi doux qu’une femme. La quête de Gabin donne lieu à des marivaudages très plaisants au milieu de personnages haut en couleurs -mention spéciale à Christophe Alévêque, formidable en Renato, banquier le jour, travesti la nuit.
Le film s’attaque donc au corps et aux plaisirs de la chair sous toutes ces formes et brasse plusieurs thèmes associés : l’orgasme féminin (séquence d’anthologie au restaurant entre Marlène et Gabin qui n’est pas sans rappeler la mythique scène entre Harry et Sally dans le film éponyme), la maternité, la religion comme chemin de liberté ou au contraire d’esclavage… Œuvre chorale où l’on voit Jérome Soubeyrand dialoguer avec Michel Onfray mais aussi avec Michel Serres et Bruno Clavier (psychanalyste transgénérationnel), Ceci est mon corps est porté par une formidable énergie communicative.
Film de potes, message d’amour à Marina Tomé (véritable muse), thérapie filmique autour d’un secret de famille, l’aspect autobiographique de l’intrigue ajoute une plus-value à ce qui aurait pu rapidement tourner au tout foutraque. Les qualités d’écriture du réalisateur donnent sens à la mise en abyme et permettent aux éléments disparates (séquences docu, film dans le film, inserts autobiographiques) de former un ensemble cohérent.
On regrettera une fin en forme de happy-end. Mais, c’est peut-être une manière pour le réalisateur de souligner que le cinéma n’aime pas les histoires trop tristes ou bien, en guise d’avertissement, d’enfoncer encore un peu plus le clou : on n’échappe pas toujours aux fantômes de ses ancêtres.
Date de sortie : 10 décembre 2014 (1h34min)
Réalisé par Jérôme Soubeyrand
Avec Jérôme Soubeyrand, Marina Tomé, Christophe Alévêque, Laeticia Lopez, Hervé Dubourjal, Pierre-Loup Rajot, Hervé Blanc, Michel Onfray, Michel Serres et Bruno Clavier
Genre : Comédie dramatique
Nationalité : Français
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