Kneecap, de Rich Peppiatt, 18 juin
Tonitruant, racoleur, trash, Kneecap est tout cela à la fois. Plongée dans le milieu du rap militant irlandais à la suite de deux glandeurs qui abusent un peu trop des substances illicites. A Belfast, Liam Óg et Naoise, à peine sortis de l’adolescence, multiplient les combines foireuses. Rage et ennui rythment leur morne quotidien. Le père de Naoise, militant de l’IRA (l’armée républicaine irlandaise), a mis les voiles depuis des années, obligeant sa famille à jouer la comédie face aux autorités britanniques. Officiellement, il est présumé mort même si personne – y compris les flics – y croit vraiment. La grande force de Kneecap est de jouer à fond la carte de la comédie et de ne jamais sombrer dans le pathos malgré un matériel de départ très sombre. Il fallait oser faire jouer à Michael Fassbender (toujours aussi magnétique) le rôle de cet ex-terroriste reconverti en prof de yoga ! Kneecap ne se prend pas au sérieux et pourtant, ce film traite de questions identitaires, culturelles et politiques ô combien graves !

Copyright Kneecap Films Limited, Screen Market Research Limited ta Wildcard and The British Film Institute 2024
Kneecap, c’est du lourd. Le réalisateur ne fait pas dans la dentelle et convoque tous les stéréotypes et poncifs du film made in Northern Ireland. Quincagénaires mafieux, autrefois membres de l’IRA, petits vieux qui se pressent à l’église, prof de musique gaélique désabusé, mères courage, couleur verte criarde des survêtements, rien ne nous est épargné. Mais Kneecap est aussi une histoire vraie. Le trio formé à l’écran est un groupe de rap qui marche du tonnerre outre-manche et qui représente d’une certaine manière la jeune Irlande du Nord, toujours prête à en découdre avec les colons anglais. Prix du public au Festival de Sundance, Kneecap rappelle à certains égards Trainspotting, en moins abouti et profond.

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L’usage des stupéfiants n’est qu’ici qu’anecdoctique et prétexte à mettre en scène les trips hallucinés des trois musiciens et surtout, le voyage intérieur de DJ Próvaí qui troque son ennuyeux quotidien de prof pour les affres du star-system. La trajectoire de « l’aïeul » est somme toute plus intéressante que celle des deux gamins car elle symbolise deux manières de lutter contre le système : à force de côtoyer Liam Óg et Naoise, DJ Próvaí finit par rompre avec sa petite amie Caitlin (Fionnuala Flaherty), militante classique. Les manifestations, les pétitions, ce n’est plus pour lui ! En développant son art, sa musique, il se rend compte qu’il contribue tout autant à la reconnaissance de l’identité irlandaise, voire plus. Malgré son côté potache et autopromotionnel, le film est éminemment politique. Kneecap a représenté l’Irlande aux oscars car même s’il divise par son montage épileptique, sa complaisance pour les états modifiés de conscience, et sa photo vulgaire, il offre néanmoins un témoignage sur les Ceasefire Babies, les irlandais nés après le cessez-le-feu de 1994, et leur combat pour une forme de reconnaissance. L’irlandais n’a été reconnu comme langue officielle par les autorités britanniques qu’en 2022 !

Copyright Kneecap Films Limited, Screen Market Research Limited ta Wildcard and The British Film Institute 2024
Le réalisateur Rich Peppiatt abuse d’effets : voix hors champ, split screens, séquences animées, jump cuts, accélérations pendant un tabassage en règle… Si tout ceci donne parfois le vertige, son film est le reflet d’une énergie débridée au service d’un message politique toujours d’actualité !

Copyright Kneecap Films Limited, Screen Market Research Limited ta Wildcard and The British Film Institute 2024
18 juin 2025 en salle | 1h 45min | Biopic, Comédie, Drame, Musical
De Rich Peppiatt
|Par Rich Peppiatt
Avec Móglaí Bap, Mo Chara (II), DJ Próvai
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