Le Paris d’Agnès Varda, de-ci, de-là, musée Carnavalet, jusqu’au 24 août 2025
Après la rétrospective-exposition consacrée à Agnès Varda par la cinémathèque de Paris, une autre institution culturelle parisienne expose l’oeuvre de la cinéaste franco-belge. Le Paris d’Agnès Varda, au musée Carnavalet, est l’occasion de découvrir 130 clichés de celle qui fut photographe avant d’être réalisatrice. L’exposition, alternant affichage de photographies et extraits de films par Varda et sur Varda, est conçue comme une déambulation de la rue Daguerre dans le 14e arrondissement – où se trouvait son logement et atelier – aux autres quartiers de Paris puis au monde entier.
Issue d’une famille relativement aisée, Agnès souhaite s’affranchir des codes de la bourgeoisie. Elle s’installe dans une maison atelier, construite autour d’une cour, qui accueille de nombreuses familles ouvrières, certaines issues de l’immigration. Agnès tient tête à son père qui considère son nouveau logement une écurie et noue de solides liens d’amitié avec ses voisins qui deviennent ses premiers modèles ou assistants. Elle photographie ainsi les enfants de la famille des républicains espagnols, elle engage comme aide au studio photographique l’une des locataires italiennes et organise des expos-photos dans la cour où se presse tout ce petit monde.
Si la cour du 86 rue Daguerre est le premier terrain d’exploration et d’expérimentation d’Agnès Varda, très vite, la jeune artiste se tourne vers d’autres quartiers et lieux culturels. Elle intègre comme photographe officielle le Théâtre national populaire dont Jean Vilar a pris la direction en 1951 après l’avoir assisté au Festival d’Avignon. L’exposition du musée Carnavalet permet de reconstituer la constellation de liens amicaux, amoureux et professionnels (les 3 se superposant souvent) dans la vie d’Agnès.
Le rôle joué par les soeurs Schlegel qui, comme Varda ont passé leur adolescence à Sète, en zone libre, est déterminant dans les années d’éclosion artistique de la future cinéaste. C’est par l’entremise d’Andrée Schlegel qu’Agnès Varda rencontre Jean Vilar qui a épousé l’ainée des soeurs. Mais celle qui l’influence le plus durablement est la sculptrice et céramiste Valentine Schlegel avec qui elle vit une histoire d’amour passionnée avant de partager la vie d’Antoine Bourseiller (père biologique de Rosalie Varda), puis de Jacques Demy avec qui elle aura Matthieu.

Agnès Varda, Portraits croisés avec Valentine Schlegel, 20, cité Malesherbes, Paris IXe, 12 mai 1949 © Succession Agnès Varda – Fonds Agnès Varda déposé à l’Institut pour la photographie
L’exposition prend parfois des allures de Who’s who : très vite Agnès se lie d’amitié avec de nombreuses figures du Paris artistique des années 1950 : Alexandre Calder qui semble adorer cabotiner devant l’objectif mais aussi, Federico Fellini – de passage à Paris pour la promotion d’un de ses films – qu’elle immortalise à la Porte de Vanves devant un tas de gravats. Mais Agnès s’intéresse avant tout aux gens, toutes classes et professions confondues.
Et ses promenades dans Paris lui donnent l’occasion de photographier et filmer des couples de commerçants, pour sa série Daguérreotypes, tous immortalisés au milieu des années 1970, peut-être aussi pour saisir la mutation d’un quartier autrefois populaire. Le temps qui passe, l’inéluctabilité de la mort qui guette, même les belles filles (Cléo, qui attend ses résultats d’analyse dans Cleo de 5 à 7), sont aussi présents dans ses séries photographiques qui flirtent avec le surréalisme. Plusieurs clichés issus de la série sur le mardi gras au jardin du Luxembourg montre qu’une inquiétante étrangeté infuse sous l’apparente loufoquerie d’Agnès.

Agnès Varda, Mardi gras, jardin du Luxembourg, 1953 © Succession Agnès Varda – Courtesy galerie Nathalie Obadia, Paris, Bruxelles
Les premières commandes passées à Agnès Varda qui collabore à plusieurs magazines et périodiques donnent aussi à voir les tendances journalistiques de l’époque avec notamment des enquêtes à dimension sociale mais construites sur le mode du roman-photo. Pour illustrer les thèmes choisis (la jeunesse, la littérature…) Agnès invente des compositions originales où elle met en scène plusieurs ami.es acteurs ou réalisateurs, encore débutants à l’époque comme Jacqueline Danno et Claude Berri.

Claude Berri et Jacqueline Danno, La Jeunesse influencée par la mode littéraire, mai 1959 © Succession Agnès Varda
Foisonnante, imaginative, l’oeuvre d’Agnès Varda n’en est pas moins ancrée dans le réel, avec une forte conscience politique. L’exposition s’achève sur plusieurs entretiens d’Agnès qui encourage les femmes à se saisir d’un appareil photo ou d’une caméra. Son combat pour l’égalité des chances est aussi passé par des manifestations et des films pour le droit à la contraception (une courte vidéo pour le planning familial est ainsi projetée) et à l’avortement, avec notamment son long-métrage L’une chante, l’autre pas.
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