Brian Jones et les Rolling Stones, Nick Broomfield, 19 février

Et si les Rolling Stones avaient été le plus grand groupe de blues de tous les temps ? C’est ce que nous révèle cet intriguant documentaire signé Nick Broomfield qui retrace l’ascension puis la descente aux enfers de Brian Jones, membre du groupe trop tôt disparu.

Copyright Lafayette Films

Brian Jones, issu d’une famille bourgeoise, se passionne dès l’adolescence pour le rhythm & blues. Ses parents, qui lui ont offert une éducation musicale classique avec cours de piano à la clef, tentent de le dissuader de fréquenter les clubs où l’on écoute de la « musique de noirs. » Mêlant documents d’archives sonores et visuelles, interviews de camarades de classes, de collègues musiciens (Bill Wyman, vraiment sympa et digne) et de proches (décédés ou encore vivants), le documentaire de Nick Broomfield se révèle extrêmement riche car il mêle plusieurs points de vue. Celui des petites amies de Jones (il aura entre 5 et 6 enfants illégitimes d’autant de femmes différentes), celui des autres membres des Rolling Stones (à l’exception de Mick Jagger qui ne témoigne pas) mais aussi celui du père de Brian Jones dont on entend à plusieurs reprises la voix, enregistrée dans les années 1960, en sus des extraits de lettres lus aujourd’hui.

Copyright Lafayette Films

L’absence de Mick Jagger n’est pas anodine. On peut se demander s’il n’a pas choisi délibérément de ne pas s’associer à un documentaire, qui même s’il revient sur les excès de Jones, ne parvient pas à s’affranchir d’une certaine sympathie pour cette légende du rock, la première à trouver la mort à l’âge mythique de 27 ans, comme Jimi Hendrix, Jim Morrison, Alan Wilson, Janis Joplin puis Kurt Cobain après lui. Certes, le film montre des extraits du bel hommage que lui rendit Mick et les autres Stones à Hyde Park, lors du concert The Stones in the Park, devant une foule endeuillée, peu de temps après la découverte de son corps, noyé, dans sa piscine. Mais ce minutieux travail d’enquête insiste aussi sur l’opportunisme de Mick, étoile montante du groupe, qui finit par totalement éclipser le fondateur des Stones, un Brian Jones, bien trop modeste et timide pour briller devant les journalistes.

Copyright Lafayette Films

L’intérêt du film est de montrer aussi les divergences musicales entre les différents membres. Jones, fan de blues, refuse le virage pop, voire même rock. Il s’obstine à rester roots, fidèle au nom du groupe, qui s’inspire d’un titre de Muddy Waters. Il continue de collaborer avec des artistes comme le géant du blues Bo Diddley, et à intégrer des reprises de classiques de la musique afro-américaine dans ses albums. S’il n’est pas le seul Stones à toucher à la drogue – Keith Richards a dû faire face à la police à 5 reprises pour de grosses saisies – Brian Jones utilise les narcotiques pour tromper son spleen. Musicien accompli, il avoue lui-même aux journalistes être incapable d’écrire les paroles d’une chanson contrairement à Mick Jagger et Keith Richards qui récoltent les lauriers de la gloire pour leur songwriting.

© Peter Stone / Daily Mirror / Mirrorpix

Bien évidemment, le documentaire de Nick Broomfield revient sur le rôle joué par l’égérie des Stones, l’actrice et top model junkie Anita Pallenberg dans les tourments du créateur des Stones. Le faisant plonger dans la violence domestique, elle est la dominatrice dans une relation sadomasochiste qui entraîne Brian Jones, l’ex enfant puis ado sensible, bien loin de l’univers feutré et cultivé de sa jeunesse protégée. En même temps, le film ne juge pas. Il donne la parole à d’autres petites amies de Brian Jones, dont la française Zouzou, égérie de Philippe Garrel et d’Eric Rohmer (L’Amour l’après-midi). Si les ex estiment qu’Anita a contribué à enfermer Jones dans une spirale autodestructrice, elles reconnaissent aussi le rôle artistique joué par le mannequin italo-allemand.

Musicalement, les dernières années de Brian Jones, sont très fécondes. Se rapprochant des Beatles, il joue du saxophone sur le titre You Know My Name, il plonge dans la culture hippie et expérimente à tout va lors des sessions d’enregistrement des Rolling Stones. L’idée de la sitar sur Paint it Black, c’est lui. La guitare slide sur Little Red Rooster, aussi, sans oublier l’orgue sur Let’s Spend The Night Together. Brian Jones sait tout jouer : kazoo, basse bien sûr, mais aussi marimba, ou flutes de pan marocaines avec l’album Brian Jones Presents: The Pipes of Pan at Jajouka.

Un docu sur un musicien mort aussi jeune est forcément élégiaque. Mais, la manière dont Nick Broomfield agence les images d’archives et surtout les photos presse ou familiales de Brian Jones renforce ce sentiment d’injustice, de profonde mélancolie, d’assister à un immense gâchis. Une image, surtout, reste en tête un bon moment. Celle où Brian Jones, visage encore poupon, pose près d’une statue de putto italien (petit angelot joufflu). Impossible alors de ne pas contraster cette image d’innocence incarnée avec le cynisme de Keith Richards qui affirme, avec détachement, que Brian Jones (le plus intelligent d’entre eux, le plus artiste) était le moins armé pour survivre aux dangers du star-system.

19 février 2025 en salle | 1h38min | Documentaire, Musical
De Nick Broomfield
Par Nick Broomfield, Marc Hoeferlin
Titre original : The Stones And Brian Jones

Copyright Lafayette Films

 

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.