A real pain, de Jesse Eisenberg, 26 février

Deuxième long-métrage de l’acteur devenu réalisateur Jesse Eisenberg, A real pain est une petite merveille douce-amère. A la fois road-trip, en Pologne, sur les traces des juifs déportés, et récit introspectif sur la filiation et la mémoire traumatique, A real pain érige le double-entendre en marque de fabrique. En anglais, a real pain peut signifier deux choses : soit une profonde douleur, soit une personne qui est particulièrement enquiquineuse. Eisenberg endosse une double casquette, celle de réalisateur et d’acteur principal, pour former un duo détonant avec Kieran Culkin, récompensé en tant que Meilleur acteur dans un second rôle à la dernière édition des Golden Globes.

Copyright 2024 Searchlight Pictures All Rights Reserved.

A l’écran, Kieran Culkin vole la vedette à Eisenberg, qui endosse une nouvelle fois le rôle de geek introverti et peu sociable. Les deux acteurs incarnent deux cousins germains qui ont passé une grande partie de leur adolescence à faire les quatre cents coups à New York. Mais, alors que David est devenu un père de famille plutôt conformiste, Benji semble être resté coincé à l’âge de ses premiers émois et transgressions. L’enquiquineur, le real pain, c’est lui. Immature, narcissique, fauteur de trouble, Benji menace l’équilibre du groupe de touristes nord-américains, partis sur les traces de leurs ancêtres assassinés par les nazis.

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Et pourtant, durant le voyage, il s’attache – à une exception près, le retraité grincheux – l’amitié, la compassion et la compréhension de tous les membres du groupe tandis que David, pourtant prompt à rattraper les catastrophes causées par Benji, repartira sans aucune marque d’estime ou de sympathie. La dynamique à la fois co-dépendante et complètement tordue des cousins nourrit les nombreux gags qui émaillent ce buddy-movie d’un autre genre.

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De nombreuses comédies sont basées sur les différences de personnalité des protagonistes principaux : autant Benji est charismatique, autant David, avec ses bégaiements, sa mauvaise habitude de toujours s’excuser, apparaît fade, limite rabat-joie ou psychorigide. A l’image de son titre et de son incroyable séquence d’ouverture – un long plan séquence où l’on voit David submerger de messages Benji, lui rappelant qu’il doit être à l’heure à l’aéroport (alors qu’il y est déjà depuis un moment), le film cultive volontiers l’ambiguïté.

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L’indignation de Benji ne semble pas feinte mais son expression, outrancière, n’est-elle pas la preuve qu’il est complètement borderline ? Au-delà des réflexions qu’il soulève sur la judéité et la manière de vivre un devoir de mémoire aujourd’hui (les touristes juifs qui visitent Auschwitz maintenant devraient-ils se sentir coupables s’ils voyagent en première classe et dorment dans des palaces ?), A real pain est une formidable réflexion sur les ravages que peut causer la présence de personnes narcissiques au sein d’un groupe, quel qu’il soit. L’objectif de Benji n’est pas d’honorer sa grand-mère, de faire en sorte que ce voyage fonctionne, mais de se faire plaindre, de passer pour une victime, et surtout de toujours s’attirer la sympathie en rejetant la faute de ses inconséquences sur l’autre, ici, son cousin, hélas peu à l’aise en société.

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Mais peut-être est-ce la revanche d’Eisenberg réalisateur – qui s’inspirerait d’une trame biographique – que de montrer Benji, seul, perdu au milieu d’une foule d’anonymes en image finale. Si Benji a fait illusion pendant le voyage, il n’a rien construit de solide contrairement à David qui retrouve son foyer chaleureux en fin de parcours. La résilience de David est, malgré les deuils et les affronts, d’aller de l’avant, toujours, et c’est cette simplicité déconcertante qui fait de lui un formidable héros.

26 février 2025 en salle | 1h30min | Comédie dramatique
De Jesse Eisenberg
|Par Jesse Eisenberg
Avec Jesse Eisenberg, Kieran Culkin, Will Sharpe