Mémoires d’un escargot, Adam Elliot, 15 janvier

Demain sortira Mémoires d’un escargot, nouveau film du réalisateur australien Adam Elliot qui, le long d’une filmographie originale et transgressive, a su s’attirer les bonnes grâces des critiques et d’une fan base hardcore. Attention, ce film d’animation est réservé à un public d’adultes. Il convient de le préciser car en France, il a obtenu une classification tous publics mais les thèmes abordés – deuil, emprise sectaire, fétichisme – et le ton, macabre, ne conviennent pas aux enfants, voire même, aux jeunes adolescents. Animé en stop motion, Mémoires d’un escargot raconte l’enfance et la jeunesse d’un frère et d’une soeur, des jumeaux, qui se retrouvent séparés à la mort de leur père. Le spectateur suit leur trajectoire, différente, dans leurs familles d’accueil respectives.

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Malgré le drame qui pointe toujours, les films d’Adam Elliot sont emprunts de poésie et de magie. Ici, c’est le personnage lunaire du père, un jongleur parisien, également cinéaste, immigré par amour en Australie, qui insuffle une douce folie au début du métrage. La rencontre des parents de Grace et Gilbert Pudel, qui se déroule à Paris, est narrée comme un conte de fées écrit par un circassien amateur de merveilleux. Las, le retour en Australie est marqué par une série de drames, comme si la parenthèse enchantée initiée sur le Pont des Arts ne pouvait survivre à la dure réalité des antipodes. L’escargot, c’est Grace qui a perdu sa maman quand elle est née. Et comme si le décès maternel, durant l’accouchement, ne suffisait pas à marquer l’existence des deux enfants du sceau tragique, le père, est victime d’un chauffard alors qu’il tentait de gagner quelques pièces dans la rue.

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Adam Elliot abîme ses personnages, leurs âmes, leurs corps. L’agile jongleur perd l’usage de ses jambes. Gracie ne cesse de grossir. Il montre, comment face à l’adversité, l’être humain a tendance à se construire une réalité alternative, qui se nourrit d’obsessions pour ne pas penser à la perte, au vide, encore béant. Gracie se met à collectionner tout objet en relation avec l’escargot, en souvenir de son père, qui lui avait confectionné un chapeau gastéropode. Elle finit par s’identifier à cet animal, qui porte sa maison sur son dos et se réfugie dedans au moindre danger. Gilbert, maltraité par les fous religieux qui l’ont adopté, nourrit son désir de vengeance, en perfectionnant ses numéros de cracheur de feu.

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Mémoires d’un escargot aurait pu s’appeler Mémoire d’un père. S’il disparaît assez vite d’un film hanté par des morts successives (la mère, la meilleure amie…), le père continue d’offrir confort et courage à sa progéniture. Il ne leur a pas laissé d’argent ou une situation matérielle confortable mais le jongleur leur a transmis un bien inaliénable : l’imagination.

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Dans des familles abandonnantes (mention spéciale au couple d’échangistes) ou maltraitantes, Gracie et Gilbert doivent retrouver le chemin vers l’amour simple, inconditionnel, qu’ils ont connu enfants. Et, le seul moyen d’y arriver, est de créer à leur tour, en s’inspirant des tours de magie et des films du père disparu. Cette création prendra une tournure étrange pour Gracie, victime du syndrome de Diogène. Plus la jeune femme accumulera d’objets, et plus son frère se dépouillera, jusqu’au sacrifice par les flammes.

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Cette construction en miroir inversé n’est pas le seul dispostif inventif conçu par Adam Elliot. Son film fourmille d’une multitude de trouvailles incroyables, que ce soit au niveau de l’animation que de la narration. Plusieurs objets offrent une fenêtre sur l’état d’esprit des personnages, constituant ainsi un fil rouge thématique : les livres (Sa Majesté des mouches, le recueil de poèmes de Sylvia Plath, les Harlequins) lus par Gilbert et Gracie reflètent leur évolution personnelle, tandis que le motif spiralaire (présent sur la robe de la mère ou sur la coquille de l’escargot Sylvia) symbolise le cycle mort – recommencement et le lien indéfectible entre les deux jumeaux.

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Si Gilbert et Gracie sont malmenés par le destin, ils tentent de garder foi en l’avenir. Rejetés pour leur personnalité ou leur aspect physique (Gracie a un bec de lièvre), ils se méfient d’autrui mais sont aussi à la recherche de relations pleines de sens à l’image de l’amitié entre Pinky, septuagénaire fantasque et Gracie. Déjà lauréat du cristal du long-métrage pour son précédent film Mary et Max – l’histoire d’un échange épistolaire entre deux marginaux, un homme d’âge mur atteint du syndrome d’Asperger et Mary, une jeune fille solitaire – Adam Elliot remporte de nouveau le cristal du long-métrage au dernier festival d’Annecy pour Mémoires d’un escargot, un film qui traite encore de solitude et d’amitié.

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Alternant moments ultra-dramatiques (voire violents comme les scènes de sévices sur Gilbert) et épisodes burlesques (avec notamment Pinky qui mord la vie à pleines dents !), le dernier film d’Adam Elliot est duel, à l’image de son couple de héros. Bien plus noir que Max et Mary, qui bénéficiait en outre de la bande son enjouée du groupe Penguin Café Orchestra, Mémoires d’un escargot n’en est pas moins une oeuvre plus aboutie, plus mûre, comme si pour le créateur des Clayographies (ces récits en pâte à modeler en partie biographiques), la boucle était enfin bouclée.

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15 janvier 2025 en salle | 1h34min | Animation, Drame
De Adam Elliot
|Par Adam Elliot
Avec Jacki Weaver, Eric Bana, Sarah Snook
Titre original : Memoir of a Snail

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