Jane Austen a gâché ma vie, de Laura Piani, 22 janvier
Triangle amoureux pour Jane Austen a gâché ma vie, une comédie romantique habitée par le visage mélancolique de l’actrice franco-britannique Camille Rutherford. C’est en France, au chateau d’Hazeville (situé à 40 minutes de Paris) et à la librairie du quartier latin Shakespeare & Cie, que la réalisatrice Laura Piani a filmé son premier long-métrage, un marivaudage très British. Son héroïne est une amoureuse des belles lettres qui s’est bâtie une carapace d’acier, préférant la compagnie des livres à celle de ses semblables. Si elle se compare volontiers à une vieille fille (et au personnage d’Anne Elliot du roman Persuasion de Jane Austen), Agathe n’est pas dénuée de charme. Jolie sans être apprêtée, spirituelle, créative, elle travaille avec Félix, son ami d’enfance à la Shakespeare & Cie, refuge pour tous les poètes anglophones exilés dans la capitale des Gaules.
Laura Piani s’est inspirée de son expérience de libraire à la Shakespeare & Cie avant de devenir réalisatrice : l’aspect autobiographique du film confère une dimension réaliste au récit construit autour d’un classique triangle amoureux. Un peu à la manière d’une Bridget Jones, Agathe est gauche dans l’expression de ses sentiments, ou plutôt trop directe et honnête. Mais, à la différence de son homologue britannique, Agathe n’est pas tombée dans le travers de la recherche effrénée d’un partenaire. Sans petit ami depuis deux ans, elle oppose volontiers raison et sentiments, autre référence directe à Jane Austen et lorsque Félix use de son charme de Casanova sur elle, Agathe refuse d’y voir autre chose que des taquineries.
La célibattante confrontée au choix cornélien des deux amoureux est un poncif des comédies romantiques à la sauce British. Là où le film se démarque de ses illustres prédécesseurs (notamment des réalisations de Richard Curtis), c’est par son ton mélancolique, voire parfois élégiaque. Agathe a préféré se réfugier dans un monde de fiction et procrastine à la fois l’écriture de son roman et sa vie de couple car elle est hantée par une disparition. C’est avec beaucoup de tact que Laura Piani nous montre comment l’imagination, l’écriture et l’amour peuvent aider les individus à se libérer des chaînes du passé. Mais, la révolution intérieure d’Agathe se fait en douceur, lentement, toute en ambiguïté, et surtout pas à la faveur de rebondissements dégoulinants de bons sentiments et de déclarations d’amour mièvre.
La réalisatrice choisit de ne pas déroger au happy end de rigueur avec réconciliation et retrouvailles entre amoureux. Mais entretemps, le spectateur aura assisté à une virée en voiture jusqu’à Calais, avec pour bande son Je t’aime à l’italienne de Frédéric François, tout appris de la technique du breadcrumb, et tout cela, grâce au personnage de Félix, interprété par Pablo Pauly, génial, qui avait déjà tourné avec Laura Piani pour le téléfilm Temps de Chien. Ces pas de côté, cette ironie sans cesse renouvelée vis à vis du genre, font le sel de cette comédie qui, certainement par amour pour ses modèles, reste toutefois assez conformiste dans son dénuement.
L’alchimie entre les acteurs est palpable, que ce soit entre Camille Rutherford et Pablo Pauly, ou entre l’actrice et son partenaire britannique, le ténébreux Charlie Anson. Les scènes qui se déroulent dans le manoir français (censé être la résidence d’écriture Jane Austen – qui n’existe pas en réalité) font la part belle à des seconds rôles attachants, notamment le vieux papy qui, à cause d’Alzheimer, multiplie les incartades. La réalisatrice intime à son métrage un tempo fluide grâce à une succession de plans rapprochés et de scènes filmées en grand angle : les errements intimes de la protagoniste principale se fondent ainsi dans le décor. Jane Austen a gâché ma vie est donc un premier long-métrage cinématographique particulièrement réussi, un hommage aux comédies romantiques britanniques qui possède aussi son propre style.
22 janvier 2025 en salle | 1h34min | Comédie dramatique
De Laura Piani
|Par Laura Piani
Avec Camille Rutherford, Pablo Pauly, Annabelle Lengronne
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