Iranien, Mehran Tamadon, le 3 décembre

Un Loft-Story iranien, vous y croyez ? Le réalisateur Mehran Tamadon a invité quatre mollahs (accompagnés de femmes et enfants) à partager sa résidence familiale pendant 48 heures sous l’œil des caméras. L’objectif : confronter les points de vue -diamétralement opposés- d’un intellectuel athée immigré en France et de quatre religieux autour de questions sensibles comme la liberté individuelle, le statut social de la femme, le pouvoir de légiférer dans la sphère publique…

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L’expérience n’est pas qu’un simple exercice de style cinématographique mais témoigne d’un véritable engagement politique de la part du réalisateur qui s’est attiré les foudres des services de renseignement iraniens… Mais, le désir de mieux comprendre ceux qui pourraient s’apparenter à des adversaires – politiques et moraux- est parvenu à vaincre de nombreuses résistances pour imposer un point de vue diablement humaniste sur le vivre-ensemble.

Ne le cachons pas : dans le dispositif orchestré par Tamadon réside un risque de manipulation. Ce qui se donne à voir est le résultat de montages, de découpages… Plusieurs centaines d’heures d’images ont été filmées, seul nous est parvenu 1h45 de film. Quels critères ont présidé pour le choix des séquences ? Jusqu’où le réalisateur veut-il emmener le spectateur et ses quatre acolytes ? On peut également s’interroger sur les motivations qui ont poussé ces quatre religieux à se laisser surprendre par la caméra et les questions de l’homme « impur »? La réponse nous est rapidement donnée par deux d’entre eux : au-delà des acrobaties rhétoriques susceptibles d’intéresser un certain public occidental, Iranien recèle avant tout des paroles religieuses… sur les relations hommes-femmes, sur les ablutions, la relation au divin… Les mollahs ont donc considéré cette opportunité de discuter avec Tamadon et d’être montrés en Occident comme un formidable moyen de propagande et de prosélytisme. Et les moments où la liberté de Tamadon vacille quelque peu face aux invitations -délicates mais fermes- des mollahs à participer aux rituels de purification et à la prière sont parmi les plus réjouissantes du film.

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Mais, le film nous donne bien plus à voir que les tentatives de conversion d’un athée par quatre mollahs. Le regard du spectateur est bien entendu pris en tenailles dans ce dispositif « serré » qui révèle tout autant qu’il cache les motivations et désirs de chacun. Naturellement, comme occidentaux, nous sommes portés à défendre les convictions exprimées par le réalisateur. On reste fidèle à son conjoint non par peur du Jugement Dernier mais tout simplement par amour et respect. Nous sommes partagés entre rire et offuscation en entendant les propos du mollah qui compare la femme à un virus… Bien souvent, dans ces types de documentaires qui se revendiquent du cinéma du réel, il faut chercher les instants de vérité ailleurs, dans les interstices, les non-dits, les regards fuyants, les hors-champs… Dans la présence quasi fantomatique de ces femmes qui se cachent la bouche devant la caméra… Dans le regard triste d’un mollah qui fait remarquer que les poules sont mal nourries… Dans l’envie exprimée par un autre s’affairant aux fourneaux… Dans la surprise de celui qui découvre que les sites internet sont libres en France… Dans le trait d’humour de celui qui demande qu’on règle le sort aux brochettes de viande et qu’on oublie -un moment- le voile de la femme… Ces mollahs-là nous apparaîtraient presque sympathiques… Sous l’œil bienveillant de la caméra, ils sont en tout cas humanisés.

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Au terme des 48 heures, pas sûr que les convictions politiques et religieuses des mollahs n’aient été ébranlées. Mais l’objectif n’était justement pas de les transformer mais d’envisager la possibilité d’un échange de vues… Et Iranien remporte ce pari risqué en opposant au dogmatisme l’invitation bienveillante. Mehran Tamadon est engagé depuis  Bassidji (2009) dans une démarche si singulière qu’elle mérite d’être mise en avant. Il ne filme pas les victimes du régime autoritaire iranien. Il ne prend pas sa caméra pour dénoncer. Il essaie de comprendre les motivations de celui qui apparaît bien souvent comme un monstre d’injustice… et en faisant cela, il créée un dialogue, prémisse à tout vivre-ensemble serein. Un film à ne pas rater !

Date de sortie : 3 décembre 2014 (1h45min)
Réalisé par Mehran Tamadon
Genre : Documentaire

 

 

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