Maya, donne-moi un titre, Michel Gondry, 2 octobre
[NDLR : article publié initialement le 8 juillet]
Avec une paire de ciseaux, de la colle et du papier, Michel Gondry signe un nouveau film enchanteur, en apparence bricolé, qui est une véritable ode à l’enfance et au pouvoir de l’imagination. Maya, donne-moi un titre raconte comment un père, séparé de sa fille par un océan, pendant une période où voyager se révèle compliqué, réussit à garder le contact et surtout à créer du lien autour de leurs passions communes. Sous la forme d’une déclaration d’amour fou à sa fille, Gondry réalise plusieurs petits films en stop motion dont la particularité est d’avoir tous pour héroïne principale Maya, petite fille espiègle qui aimerait vivre les aventures d’une photographe de tremblements de terre, d’une policière ou d’une sirène.
Le spectateur retrouve le goût farfelu du réalisateur pour des histoires sans queue ni tête qui faisaient le charme de Soyez sympas rembobinez. Mais comme avec Le Livre des Solutions – récit des conséquences d’un épisode maniaco-dépressif sur le tournage d’un film – Maya, donne-moi un titre révèle les angoisses profondes de son créateur sous la légèreté du propos. Maya slalome entre des immeubles qui s’écroulent, elle rapetisse avant d’être siphonnée et de ressurgir par le robinet de la cuisine familiale. Elle est écrasée sur un hamac par le poids de milliers de vacanciers qui s’empilent jusqu’à la lune.
Jamais petite héroïne n’aura été autant malmenée comme si le papa, séparé de son enfant, ressentait avec effroi, à cause de la distance et des confinements, l’impossibilité de veiller sur elle et de la protéger ! Et derrière le masque du clown, la tristesse du marginal : Papa Gondry ne s’est-il pas réfugié au centre de la terre afin de ne déranger personne lorsqu’il joue de la batterie (provoquant sans le savoir un tremblement de terre) ?
On rit beaucoup des péripéties de Maya et de toute sa tribu, les grands-parents Bouboum et Pampa, Maman qui voyage tout le temps, et bien sûr Papa, qui à partir du titre – souvent saugrenu de Maya – écrit, dessine, filme… L’absurde règne en maître dans les 9 histoires qui composent le long-métrage. Gondry retrouve Pierre Niney, son alter-ego dans Le Livre des Solutions : l’acteur, en voix off, narre chacun des nombreux rebondissements !
Avec Maya, les jeunes spectateurs et leurs parents rencontreront une faune bigarrée : un poisson horloge, un vendeur de frites qui sauve l’humanité d’une marée de ketchup, différents faux-policiers dans une histoire conçue comme une poupée-gigogne, des chats cambrioleurs aux multiples pouvoirs…
La simplicité des processus d’animation, l’aspect artisanal du film, et sans nul doute, les nombreux ateliers de pixilation qui accompagneront les avant-premières du film à travers la France donneront peut-être l’impression au spectateur adulte qu’il a sous les yeux un film enfantin, bien mineur dans la filmographie de Michel Gondry. Mais ce serait ignorer la raison d’être de ce film – l’amour d’un père pour sa fille – qui rejoint les aspirations et angoisses du créateur. La vraie Maya grandit sous nos yeux à travers les inserts de courtes scènes non animées où sous de multiples déguisements, elle introduit la thématique de l’histoire qui suit… Et lorsqu’un jour, Maya, presque ado, ne veut plus donner de titre à papa, le réalisateur se trouve démuni, au bord du désespoir.
Depuis que Gondry a révélé qu’un psychiatre l’avait diagnostiqué bipolaire, le spectateur et la critique seraient tentés d’interpréter ses nouveaux opus – depuis l’échec de L’écume des jours – comme le symptôme de ses troubles mentaux. Bien avant l’identification stricto-sensu de la maladie par le réalisateur et son entourage, il y avait toujours eu deux visages chez Gondry : Jack Black, dans Soyez Sympas, Rembobinez, incarnait le côté maniaque du réalisateur, tandis que Mos Def et sa camarade Melonie Diaz, la voix de la raison. Cette dichotomie fut toujours structurée autour d’un même désir irrépressible de liberté et d’évasion, et même d’échappatoire au déterminisme social, qui se matérialisait par la « voiture » de Microbe et Gasoil, la balade en bus des adolescents du Bronx dans The We and the I ou la baignoire-avion de Maya…
Ce qui prend donc le pas sur la dimension somme toute narcissique du film que les critiques chagrins reprocheront sans nul doute à Gondry cet automne (Gondry parle « encore » de lui et de sa famille) est sa capacité à nous faire croire qu’en dépit de nos difficultés et limitations, nous pouvons rester maîtres de nos propres aventures, à condition de s’autoriser à rêver et à imaginer de nouveaux futurs. Un message universel et poignant, admirablement mis en images.
2 octobre 2024 en salle | Aventure, Animation, Comédie, Famille
De Michel Gondry
Avec Pierre Niney
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