Le moine et le fusil, Pawo Choyning Dorji, 26 juin
Le réalisateur bhoutanais Pawo Choyning Dorji, à qui l’on devait déjà le magnifique L’école du bout du monde (nommé aux Oscars en 2022), signe un deuxième long-métrage tout en délicatesse et ironie à propos de la modernisation de son pays natal : le Bhoutan. Plusieurs destinées se croisent autour d’un mystérieux fusil issu de la guerre de Sécession nord-américaine. Cette arme, qui passe de main en main, sert de fil conducteur narratif. Element incongru dans la sérénité du décor montagneux constellé de stupas, le fusil agit tel un catalyseur.
Objet de multiples convoitises, celle du collectionneur nord-américain bien sûr, mais aussi celle du jeune moine qui se rêve en James Bond et souhaiterait l’échanger contre des AK-47 afin d’imiter son idole, le fusil est à la fois ressort dramatique mais aussi symbole du dérèglement. Construit à l’aide d’un compte à rebours, qui scande le nombre de jours avant la pleine lune, le film de Pawo Choyning Dorji ménage un suspense maîtrisé et inquiétant.
Plusieurs questions assaillent le spectateur : le lama, responsable spirituel et politique local, est-il devenu fou ? En tant que représentant des coutumes ancestrales, souhaite-t-il en découdre avec les organisateurs de l’élection, préambule à la transition démocratique du Bhoutan ? Si ses intentions ne sont révélées qu’en toute fin, le réalisateur n’hésite pas à multiplier les clins d’oeils humoristiques afin de contrebalancer la menace latente.
Le comique de situation s’exerce dans les détails visuels essentiellement, comme cet immense phallus qui accompagne le touriste nord-américain jusqu’au rassemblement bouddhique, ou bien avec l’affiche de James Bond qui vient remplacer celle de Bouddha. Le réalisateur ne prend jamais parti, au contraire, il offre au spectateur une multitude de points de vue.
Tantôt, l’identification avec l’américain Ron Coleman (interprété par Harry Einhorn dans un rôle à contre-emploi puisqu’il est lui-même instructeur bouddhiste) est évidente tant nos valeurs – surtout matérielles – rendent incroyable l’absence de cupidité des paysans bhoutanais, tantôt, nous voyons le Bhoutan à travers les yeux de Benji (Tandin Sonam), un homme entre deux cultures, qui essaie de tirer profit du meilleur de chacune d’entre elles.
Dans tous les cas, en ces temps de violence institutionnalisée, le message d’amour et de compassion universels qui clôt ce film malin, tel un revirement inattendu clouant le bec à tous les messagers de discorde, est un véritable baume au coeur.
26 juin 2024 en salle | 1h47min | Comédie dramatique
De Pawo Choyning Dorji
Avec Tandin Wangchuk, Deki Lhamo, Pema Zangmo Sherpa
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