Chien Blanc, de Anaïs Barbeau-Lavalette, 22 mai

Film québécois, Chien Blanc est une nouvelle adaptation, après Dressé pour tuer (1982) de Samuel Fuller, du roman de Romain Gary publié chez Gallimard en 1970. Si Samuel Fuller s’attachait à dépeindre la relation compliquée entre un chien dressé pour agresser les personnes de couleur noire et une jeune femme, la réalisatrice canadienne Anaïs Barbeau-Lavalette a placé au coeur de l’intrigue le couple formé par Jean Seberg, actrice et militante anti-raciste, et Romain Gary, auteur du roman autobiographique éponyme.

crédit photo : Vivien Gaumand

La menace symbolisée par le berger allemand dit Chien Blanc fait écho aux tensions qui viennent disloquer le couple. Seberg, absente du foyer familial afin d’accompagner les noirs dans leurs marches pour l’obtention des droits civiques, se distance chaque jour un peu plus de son mari. Plus âgé et lucide que la jeune star, Gary la met en garde contre les possibles récupérations et l’interroge sur la sincérité de sa démarche : en mettant sa célébrité au service de la cause, n’éclipse-t-elle pas des personnes plus légitimes en s’appropriant leur parole ? Un autre sujet de dispute est bien sûr le sort de ce stray, un chien égaré, recueilli par Gary, qui veut croire en sa rédemption et le confie à un dresseur noir afin qu’il le déconditionne et cesse de mordre les Noirs. Et Denis Ménochet (magistral en Romain Gary) de hurler à Jean Seberg : « si on le tue, il faudrait tuer tous les racistes, tous ceux qui pensent différemment de nous ! »

crédit photo : Vivien Gaumand

Kacey Rohl possède le teint de porcelaine de Seberg et incarne à la perfection les ambiguïtés de la jeune femme. Cependant, les scènes qui l’opposent à Gary manquent d’épaisseur. Lorsque Gary a écrit Chien Blanc, l’écrivain se distançait du militantisme et son écriture reflétait son désabusement. Voulant éviter tout manichéisme, Gary dénonçait déjà un racisme qui traversait tous les groupes ethniques : racisme des Blancs bien sûr, mais aussi, rejet, par certains Noirs, des mariage mixtes ou de toute amitié avec un individu n’ayant pas d’ascendance Afro-américaine. Dans le film d’Anaïs Barbeau-Lavalette, ces reflexions sont bien présentes à travers des citations du livre ou des sous-intrigues (la fuite à Paris de la petite amie blanche enceinte d’un militant noir) mais, la psychologie de Seberg aurait mérité d’être approfondie, sans cela, les motivations et contradictions de son personnage demeurent à l’état d’esquisses.

crédit photo : Vivien Gaumand

Mêlant images d’archives et reconstitutions, Chien Blanc prend soin de refléter le chaos d’une époque tumultueuse. Pourtant, entre deux scènes de lynchage, d’émeutes et d’improbable dressage, ce qui demeure de Chien Blanc est une image fugace : celle d’un petit garçon, Diego Gary, guettant les allées-venues de sa maman, trop absorbée dans sa fuite en avant pour accueillir et honorer la présence de ce petit ange blond. En creux de la « grande » Histoire, Chien Blanc est aussi cette histoire-là.

crédit photo : Vivien Gaumand

22 mai 2024 en salle | 1h36min | Drame
De Anaïs Barbeau-Lavalette
Avec Denis Ménochet, Kacey Rohl, K.C. Collins

crédit photo : Vivien Gaumand

 

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