Poupoupidou (Gérald Hustache-Mathieu, 2011), en replay sur Arte, en relation avec la série Polar Park

Article initialement paru mercredi 26 janvier 2011 sur le site cinemapolis.info fondé par Baptiste Lusson.

Le film Poupoupidou est à (re)découvrir actuellement sur Arte qui diffuse aussi la série TV tirée du film, et intitulée Polar Park.

Hommage à Marilyn et à la figure du romancier de polars en mal d’inspiration, Poupoupidou est un vrai-faux film noir qui multiplie les clins d’œil au genre tout en entraînant le spectateur dans un décor à mille lieux des poncifs habituels. En effet, le réalisateur a choisi de situer son intrigue policière non pas dans l’ambiance moite des plantations de Louisiane (Angel Heart d’Alan Parker) ou dans les bas-fonds d’une grande ville de la côte ouest américaine (LA Confidential de Curtis Hanson), mais aux pieds des montagnes enneigées de Franche Comté. Clin d’oeil à Fargo ?

Copyright Diaphana Distribution

David Rousseau, auteur parisien de polars à succès, se rend à Mouthe, ville réputée pour être la cité la plus froide d’Europe –une véritable petite Sibérie. Venu régler des affaires d’héritage, il regrette de partir presque bredouille – sa tante richissime ne lui lègue qu’un chien empaillé – lorsqu’il tombe, au détour d’un virage, sur le cadavre de Candice Lecoeur, star franc-comtoise du petit écran.

Candice Lecoeur était l’égérie des fromages Belle de Jura et présentait la météo sur une chaîne régionale. C’était surtout une admiratrice incontestée de Marilyn qui pense être sa réincarnation. A partir de ce postulat scénaristique, le réalisateur Gérald Hustache-Mathieu élabore une enquête policière qui ressemble furieusement au destin fantasmé de l’héroïne de Certains l’aiment chaud ou Les Désaxés.

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En enquêtant sur Candice Lecoeur (Sophie Quinton), David Rousseau (Jean-Paul Rouve dans son meilleur rôle) découvre que les amants successifs de la jeune femme ressemblent à s’y méprendre à ceux de Marilyn. Le champion de boxe Joe diMaggio a été remplacé par un sportif local qui use aussi de ses poingts, l’intellectuel de la chaîne TV fait découvrir la littérature à Candice à la manière d’Arthur Miller. Enfin, la jeune femme finit par s’éprendre du président de la région, un natif revenu s’installer dans son village d’origine après avoir fait des études dans le Michigan (prononcé à la française s’il vous plaît).

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Gérald Hustache-Mathieu n’est jamais aussi bon que lorsqu’il dépeint –parfois de manière caricaturale – la rencontre entre le Parisien blasé et les habitants de Mouthe. A l’instar de Candice, Barbie peroxydée, tous semblent rêver d’Amérique comme ce jeune enquêteur (Guillaume Gouix) aux fesses musclées qui aurait aimé intégrer la police montée canadienne. Gérald Hustache-Mathieu excelle à suggérer le vide existentiel et l’ennui d’une jeunesse qui n’a d’autre alternative que d’imiter les comportements stéréotypés de ses idoles à la discothèque du village voisin ou sur le marché lors des élections régionales. De la gothique en mal d’amour qui gère l’hôtel où séjourne l’écrivain à la coiffeuse – reine des confidences – de Mouthe, les seconds rôles très franc-comtois sont tous drôles et émouvants.

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C’est en voulant faire à tout prix du destin de Marilyn celui de Candice que le réalisateur épuise le ressort dramatique et comique d’une idée scénaristique pourtant très originale. Les clins d’oeil à la star ne se limitent plus à quelques trouvailles bien senties comme le journal intime ou le numéro cinq sur la porte de l’hôtel, les allusions deviennent franchement lourdes et le dénouement final prévisible.

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Pourtant, Gérald Hustache-Mathieu avait su ménager le suspense pendant toute la première partie du film. Il prenait le temps d’installer la relation Candice-David Rousseau, belle histoire d’amour morte-née entre deux personnages solitaires et lucides qui n’ont fait que se croiser. La fascination morbide qu’entretient David Rousseau avec la victime sert de prétexte à illustrer les mécanismes de création littéraire ou comment une situation et un être complètement différents de l’artiste trouvent une résonnance particulière en lui.

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L’interaction entre David Rousseau – l’écrivain en quête d’une héroïne parfaite – et Candice Lecoeur – rêveuse lucide dont la vie n’a été que regrets couchés sur papier – donne tout son sel à l’histoire et sauve le film. Le thème de l’absence irrigue Poupoupidou et lui confère presque un souffle tragique. La voix off de la femme fatale assassinée commentant les faits dont elle a été victime ne parasite pas l’intrigue mais permet aux deux écritures – celle du passé et celle du livre en construction – de se rejoindre.

Candice Lecoeur a beau être enterrée, elle devient la muse d’un homme qui sort de sa léthargie à travers son seul souvenir.

12 janvier 2011 en salle | 1h 42min | Policier
De Gérald Hustache-Mathieu
Avec Jean-Paul Rouve, Sophie Quinton, Guillaume Gouix

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