Le grand magasin, de Yoshimi Itazu, 6 décembre, avant-première Mon Premier Festival
Le grand magasin est une fable écologique japonaise qui sortira juste avant Noël, pour sensibiliser les enfants à la protection de l’environnement. Réalisé par Yoshimi Itazu, animateur pour le film Miss Hokusai (2015) de Keiichi Hara, ce nouvel anime s’inspire du manga La concierge du grand magasin, écrit et illustré par Tsuchika Nishimura, disponible en traduction française aux éditions Le lézard noir. L’héroïne est Akino, nouvelle recrue du grand magasin pour animaux. En pleine période d’essai, elle doit prouver qu’elle possède les qualités nécessaires pour obtenir un emploi pérenne. Le film fait le choix de ne pas expliciter la dimension fantastique du grand magasin qui n’accueille comme clients que des animaux, et parmi eux, de nombreuses espèces en voie d’extinction ou déjà disparues de la surface terrestre. Une fois ce postulat accepté, le spectateur suit avec plaisir ce récit initiatique. D’abord timide et maladroite, Akino deviendra une concierge expérimentée et respectée, à l’aise en toutes circonstances.
Pour les plus jeunes, Le grand magasin semble une excellente introduction aux vertus professionnelles japonaises : politesse, respect des collègues plus expérimentés, sens de l’honneur… Les interactions entre Akino, les autres vendeuses, l’équipe du restaurant gastronomique ou Monsieur Tôdo, le chef de rayon qui l’épie depuis des cachettes improbables (il surgit un moment d’une soupière !) sont prétextes à de nombreux gags qui soulignent la maladresse de l’apprentie-concierge. Mais, elles offrent aussi un condensé de culture salariale japonaise. Si d’un point de vue architectural, le grand magasin imaginaire du film s’inspire des grands magasins parisiens ou londoniens – on voit ainsi une carte postale du Bon Marché dans l’un des bureaux – cet anime s’inscrit dans la veine philosophique d’autres longs-métrages d’animation japonais, que ce soit Princesse Mononoké ou Nausicaä de la Vallée du Vent.
Impossible d’ignorer que les animaux – Loup de Honshū, Lion de Barbarie, Ninoxe rieuse, vison de mer… – dont Akino va s’occuper ont tous disparu de la surface du globe. C’est le directeur du magasin, un pingouin géant qui renseigne le spectateur sur la date à laquelle ils ont été pour la dernière fois observés; il explique aussi, à la fois pédagogue et résigné, les raisons de leur extinction. Surpêche, chasse à outrance, destruction de l’habitat naturel : autant de causes dont l’homme est directement responsable. Les péripéties farcesques, les mauvais traitements rocambolesques infligés à Akino par certains mauvais clients prennent donc un tout autre sens. Et si l’espèce humaine devait payer pour tous les crimes contre la Nature dont elle est responsable par-delà les siècles ?
Ce renversement masochiste fait tout le sel de ce récit à la fois émouvant et très amusant. A l’opposé de la tragédie écologique dépeinte par Miyazaki, Le grand magasin est un microcosme utopique où les humains ont enfin appris à vivre avec les animaux, en devenant leurs serviteurs ! Et les animateurs s’amusent donc à faire goûter aux personnages animaux tous les plaisirs du consumérisme grand luxe : dîner gastronomique avec chefs à pincettes, parfum rare et vêtements sur mesure…
L’animation est de toute beauté, la bande-son parfaitement réussie et les dialogues hilarants. Que les pourfendeurs de la société de consommation se rassurent également, par un subtil retournement de situation (Akino n’a jamais été si près de se faire virer !) et l’introduction d’un personnage haut en couleur – un mammouth artiste ! – le film brocarde les valeurs de l’argent-roi et montre qu’offrir et faire plaisir, c’est d’abord connaître la personnalité de l’autre, en bref, l’aimer.
LE GRAND MAGASIN de Yoshimi Itazu – VF from Hanabi on Vimeo.
6 décembre 2023 en salle / 1h10min / Animation, Famille, Aventure
De Yoshimi Itazu
Par Satomi Ohshima
Avec Kawaida Natsumi, Takeo Otsuka, Nobuo Tobita
Titre original Hokkyoku Hyakkaten no Concierge-san
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