Renfield, de Chris McKay, 31 mai
Attention, film super Z, avec des tonnes d’hémoglobine, qui tâche partout ! Normal, me direz-vous puisque Renfield est une énième variation cinématographique autour du mythe de Dracula. Mais cette fois-ci, vu à travers le prisme d’une relation codépendante entre le boucher des Carpates et son servant, le malheureux Renfield.
Vous avez tous eu un ou plusieurs potes empêtrés dans des relations malsaines avec leur moitié. Ils viennent chercher vos conseils pour sortir de ce traquenard mais dès lors qu’une bonne âme essaie de leur ouvrir leurs yeux sur les dynamiques perverses de leur couple, elle finit par être traitée de tous les noms. Dans Renfield, on retrouve tous les griefs du codépendant vis à vis de son double narcissique (il-elle est méchant, il-elle me traite mal, m’oblige à faire des choses que je ne souhaite pas…) mais aussi ses aveux d’impuissance au moment de réaffirmer son identité et de quitter cet.te affreux.se esclavagiste.
Dans cette comédie sanguinaire, Renfield est interprété par le subtil Nicholas Hoult, un très bon acteur capable de switcher en quelques secondes, passant d’un visage angélique à celui d’un meurtrier ultra-violent. On l’avait déjà constaté dans Kill your friends, film resté plutôt inaperçu à sa sortie en 2015. Ici, la dimension fantastique justifie ce changement de personnalité : Renfield a été mordu par son maître qui lui a inoculé sa force surhumaine. Mais tout cadeau a un coût. La promesse d’éternité et de pouvoir ne fait pas bon ménage avec la normalité. Renfield a dû abandonner sa famille, il mange des insectes pour se régénérer et surtout, devenu complice des méfaits de Dracula, la honte l’enchaîne à son maître.
Pour se racheter une bonne conscience et en même temps, contenter Dracula afin d’éviter ses terribles colères, Renfield participe à des réunions de codépendants anonymes. Oui, vous m’avez bien lue, ce type de réunions calquées sur celles des alcooliques anonymes où des personnes sont rassemblées, parfois en cercle, et prennent la parole à tour de rôle afin d’évoquer leur long chemin vers la sobriété. Le film réalisé par Chris McKay – réalisateur de Robot Chicken – rappelle par bien des aspects Choke, roman de Chuck Palahniuk.
A l’instar du héros du livre – qui participait à ces discussions pour mener à bien ses arnaques – Renfield n’est pas sincère vis à vis de lui-même et des autres participants. Mais la bonne idée du réalisateur est d’avoir transformé son anti-héros en justicier bien malgré lui. En effet, les victimes qu’il sélectionne lors des réunions ne sont pas les codépendants mais leur moitié nuisible. Ainsi, Renfield pense faire du bien à l’humanité en débarrassant les codépendants – auxquels il s’identifie – de leurs tortionnaires. Sauf que les trois derniers maris qu’il apporte à Dracula avaient voulu doubler des barons de la drogue. Et Renfield d’être entraîné dans une affaire policière avec flics corrompus, clan mafieux dirigé par une mère sociopathe qui est affublée d’un fils pas assez méchant à son goût… le tout saupoudré d’un récit de vengeance, le seul policier honnête de la Nouvelle Orléans étant une femme asiatique un peu boulotte – interprétée par Awkwafina– qui parvient à faire le lien entre Renfield, Dracula, le groupe de codépendants et la mafia…
On pourrait s’inquiéter de ce maelstrom de références et sous-textes cinématographiques : le conflit œdipien, la revenge story, les inserts de scènes inspirées des classiques de la Hammer avec, en flashback, la rencontre inaugurale entre le maître et son disciple, sans compter Nicolas Cage façon Bela Lugosi qui cabotine à tout va dès qu’il apparaît à l’écran. Le film ne se prend pas au sérieux et c’est ce qui est jouissif et rafraîchissant en ces temps de longs-métrages supposément rattachés au genre fantastique ou à la science-fiction qui se révèlent lénifiants et ennuyeux au possible (il faut bien sûr « faire sérieux » pour que le film soit estampillé adulte). Malgré les rebondissements, l’intrigue retombe toujours sur ses pieds sans jamais renier le côté parodique de l’entreprise. Et Renfield montre qu’en dépit des litres de faux sang, le réalisateur et les interprètes parviennent à exprimer des choses essentielles et intelligentes sur les relations toxiques ou le pouvoir qu’on octroie à tort à autrui (que ce soit dans le milieu professionnel, amical ou amoureux…)
Ajoutez à tout cela des scènes de bagarre impeccablement chorégraphiées, le French Quarter (l’un des plus beaux quartiers de la Nouvelle Orléans) comme décor naturel, des répliques irrésistibles, et des effets spéciaux réussis (mention particulière au maquillage de Cage) : Renfield est une réussite.
31 mai 2023 en salle / 1h33min / Comédie, Epouvante-horreur
De Chris McKay
Par Ryan Ridley
Avec Nicholas Hoult, Nicolas Cage, Awkwafina
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