Les gardiennes de la planète, Jean-Albert Lièvre, 22 février
Les gardiennes de la planète n’est pas un documentaire animalier de plus. En choisissant de ne filmer qu’un seul animal – la baleine – Jean-Albert Lièvre, grand habitué du documentaire nature (il fut réalisateur sur l’émission Ushuaïa), semble restreindre son champ des possibles. Ce ne sera donc pas Océans, film réalisé par Jacques Perrin et Jacques Cluzaud en 2009 : à part le majestueux cétacé, point d’autres animaux marins (si ce n’est quelques dauphins et krills) devant la caméra. Mais la baleine, qu’elle soit bleue, à bosse ou boréale, captive l’attention du spectateur.
La photographie, magnifique, et l’alternance de plongeons dans les abysses et de décollages dans l’espace (le réalisateur établissant un intriguant jeu de miroir entre la cartographie stellaire et les déplacements des cétacés) se révèlent hypnotiques. Mais au delà de son esthétisme, le film surprend pour sa mystique. Plus malin que les nombreux docu au message gentiment écolo auxquels la télévision nous a habitués, Les gardiennes de la planète s’appuie sur l’analyse scientifique, quasi clinique, du cétacé.
Ses mœurs amoureuses, ses rituels de reproduction, ses attachements familiaux (avec de belles séquences attendrissantes entre maman et baleineaux), son mode de communication incroyable via un chant qu’aucun humain n’est parvenu encore à décrypter, ses migrations, tout est passé au crible. La narration d’un Jean Dujardin sobre et discret (si l’on n’avait pas vu son nom au générique, on pourrait ignorer que c’était lui) est très pédagogique sans être ennuyeuse ou compliquée. Les scientifiques en herbe repartiront avec plein d’amazing facts : de l’âge de certaines baleines boréales (elles peuvent vivre jusqu’à plus de 200 ans) à la taille de la baleine bleue, le plus gros animal vivant ayant vécu sur Terre.
Mais ces considérations scientifiques sont au service d’un message qui dépasse la simple poétique. Citant Carl Sagan (“For most of their history, whales may have established a global communications network”, Cosmos) ou le Whale Nation d’Heathcote Williams (qui contribuera à faire interdire la chasse à la baleine), le réalisateur montre à quel point la baleine est une espèce du règne animal qui vit en harmonie avec son environnement. Filmées en plongée, via des drones, ou à quelques centimètres de caméras immergées, les baleines nous apparaissent tour à tour fortes et vulnérables. La narration (par Dujardin) adopte le point de vue de la baleine pour nous offrir une autre manière de concevoir le monde et le vivant, qui ne seraient plus à notre service, mais parties intégrantes de notre identité.
A l’âge adulte, la baleine n’a plus de prédateur mais pourtant, contrairement à l’homme qui s’arroge le droit de tuer et piller les ressources naturelles, elle régule son alimentation en fonction des ressources disponibles. Hélas, la multiplication de navires dans les océans et de satellites dans les cieux perturbe l’équilibre du cétacé qui perd ses repères et doit changer de route, quand il ne s’échoue pas sur nos plages polluées. Si le film, tourné en Méditerranée, au Groenland, en Polynésie, au Kamtchatka, en Antarctique… se termine par une opération de sauvetage réussie, il n’en omet pas moins de dresser un constat alarmant sur notre fragile écosystème.
22 février 2023 en salle / 1h 22min / Documentaire, Famille
De Jean-Albert Lièvre
Par Heathcote Williams, Jean-Albert Lièvre
Avec Jean Dujardin
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