La famille Asada, de Ryôta Nakano, 25 janvier

Un feel-good movie comme seuls les Japonais savent le faire ! Changez de regard sur les épreuves et adoptez le point de vue d’un photographe farfelu et généreux… La famille Asada est d’abord celle de Masashi, un jeune homme lunaire qui fuit les responsabilités de l’âge adulte.

Heureusement pour lui, il peut compter sur le soutien de sa famille : une mère battante, infirmière-chef, qui assure à elle seule la subsistance de tous, un père vieillissant qui, contraint par le destin, joue les hommes au foyer, et un grand-frère un peu jaloux mais au final toujours solidaire ! Dans ce film gigogne, plusieurs regards s’entremêlent afin de saisir la complexité d’existences à la fois enchevêtrées et distinctes.

Si le film suit une trame chronologique, le cheminement intellectuel et artistique du photographe est structuré par l’obsession d’échapper à la fuite du temps. Comment faire en sorte que son père adoré reste jeune et en bonne santé ? Comment transformer les regrets en rêve accompli, l’espace d’un court instant dont on se souviendra le restant de son existence ?


Pour Masashi, si la réalité se révèle dure et compliquée, eh bien, il ne tient qu’à nous de la changer. Dans une première partie, cette transformation de soi et du réel s’opère par une mise en scène photographique. Le jeune homme réussit à convaincre ses parents et son frère aîné de lui révéler leurs rêves de jeunesse. S’ensuit alors une recréation, sur le circuit de course avec le grand frère qui aurait aimé être pilote automobile ou bien tous habillés selon les codes des gangsters, la maman avouant un faible pour les hommes durs

L’aspect drôlatique et ludique de ces mises en scènes dans des décors et thématiques variés ne saurait masquer les enjeux existentiels et familiaux. Comment trouver sa place dans le rêve de l’autre ? Comment accepter ce qui longtemps est resté du non-dit, du refoulé, voire de la honte ? Comment encourager l’autre même si on ne partage pas sa passion ? Par le biais de la photo, le destin est changé et l’individu s’échappe de la triste réalité. Somme toute, Masashi a gardé son âme d’enfant et propose aux membres de sa famille de jouer à faire comme… Mais, la magie de son travail photographique recèle dans sa démarche de don. Ses photos sont altruistes, elles agissent comme un baume au cœur, elle sont un cadeau pour le père blessé dans sa masculinité, une manière de lui dire que même s’il ne travaille pas dans un Japon ultra-compétitif, on est fier de lui, et que l’on est convaincu qu’il aurait fait un excellent pompier.

Dans une 2e partie, Masashi est enfin reconnu par ses pairs grâce à son travail photographique sur les Asadas. Même si ses livres se vendent peu, il a remporté l’un des prix les plus prestigieux du Japon. Il parcourt désormais le pays à la rencontre de familles qui souhaitent poser pour lui. Ici, la mise en scène est au service d’instants de vérité. Avant de prendre ses clichés et de planter le décor de la photo finale, Masashi s’entretient avec chacun des membres de la famille. Au travers de ses échanges, les liens entre frères et sœurs, parents et enfants se renforcent et chacun comprend l’importance de l’autre dans la famille. Et quand le tsunami détruit maisons et foyers, Masahi range alors son appareil. A l’opposé de photo-journalistes voyeurs et paradoxalement incapables de saisir ce que la catastrophe naturelle représente vraiment pour les familles, il préfère récupérer dans les débris les vieilles photos de toutes ces familles endeuillées. Avec patience, il les nettoie et permet ainsi aux survivants de retrouver, ne serait-ce qu’en souvenir, leurs proches.

Au fond, qu’est ce qui définit réellement un être, une famille ? Bien souvent, ce sont des instants partagés (une naissance alors que les cerisiers sont en fleurs, un arc-en-ciel entraperçu dans une chambre d’hôpital, une après-midi passée à nager en mer…). Ce film, inspiré d’une histoire vraie, celle du photographe Masashi Asada, est une ode au medium photographique qui nous aide à garder pour toujours ces moments de bonheur. Drôle, émouvant, surprenant (avec son twist final), La Famille Asada creuse aussi un peu plus la thématique des relations père-fils déjà développée dans les précédents films (Capturing Dad, 2013; Her Love Boils Bathwater, 2016) du réalisateur Ryota Nakano, qui perdit son père enfant. Si Masashi développe sa propre personnalité à travers la photo, c’est son père qui fut à l’origine de sa vocation. Grâce à la photo, il ne tient qu’à nous de rendre nos proches immortels.

25 janvier 2023 en salle / 2h07min / Comédie
De Ryôta Nakano
Avec Kazunari Ninomiya, Haru Kuroki, Satoshi Tsumabuki
Titre original : Asada-ke!

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