Un amour (roman), Richard Copans, sortie le 25 mars
Distribué par Shellac, Un amour (roman) est le dernier documentaire de Richard Copans, cofondateur des Films d’Ici. Film singulier puisqu’à cheval sur différents genres : le biographique, la romance amoureuse, le roman littéraire, Un amour scelle aussi une collaboration réussie entre le réalisateur, amateur de free jazz, et différents artistes : l’écrivain Marie Nimier (récompensée par le prix Médicis pour La Reine du silence) et les musiciens Michel Portal et Vincent Peirani.
Un travail commun qui ne doit rien au hasard. Après Racines qui explorait déjà le roman familial et l’enfance, Richard Copans livre un nouvel hommage à ses parents, sa mère, Lucienne, jeune communiste révoltée contre l’enseignement corseté et hypocrite de son milieu petit bourgeois, et son père, Simon Copans, citoyen américain juif d’origine lituanienne, qui fera découvrir le jazz à toute une génération de français sur les ondes radiophoniques libérées.
A partir de photographies d’autrefois, de rencontres et des mots -écrits par Marie Nimier- pour combler les aléas de la mémoire ou donner chair aux sentiments exprimés dans la correspondance amoureuse parentale, Richard Copans fait dialoguer passé et présent, laissant deux époques s’interpénétrer, s’éclairer mutuellement.
Géographie de l’intime, Un Amour (roman) met aussi à jour une topographie familiale que des témoins contemporains viennent éclairer. Marchant sur les traces de ses parents décédés, Richard Copans se rend à Chartres, à la librairie Gallimard, au Havre, à Manhattan, dans un cimetière franco-américain, à un mariage juif new-yorkais, en Dordogne, chez un châtelain, dans le village d’un collectionneur de vieilles automobiles, à la Casa d’Espana de Paris… Ces hommes et femmes d’aujourd’hui se prêtent au jeu de la remémoration : ils lisent des bribes de lettres, offertes en partage; elles suscitent à leur tour d’autres dons via des confidences sincères et émouvantes…
Hommage à ses parents, le film de Richard Copans est résolument optimiste et montre que même dans l’adversité, les coups durs de la vie et de l’Histoire, la reconstruction et la générosité sont toujours possibles. Et l’étrange rébellion silencieuse de Lucienne, sa mère, confinée au grenier par un père sadique et despotique qui avait décrétée qu’elle était morte pour lui, entre alors en résonance avec celui de la femme rabbin, devenue autorité spirituelle, pour donner et recevoir l’amour et la tolérance qu’elle n’avait jamais reçues de son propre père. La rencontre de Lucienne et Simon, ponctuée de séparations à cause de la seconde guerre mondiale, est rendue possible par des engagements politiques et humains : le soutien à la cause républicaine espagnole, le désir de promouvoir une éducation populaire de qualité, la découverte du planning familial, l’amour du jazz, musique de liberté et d’audace…
On voyage donc au rythme des mots et des envolées jazz. Et la beauté du film réside aussi dans son pouvoir d’évocation. Richard Copans parvient à nous transporter des décennies en arrière en filmant des lieux et personnes d’aujourd’hui. Lorsque la caméra s’envole au-dessus de l’enseigne de Katz’s Delicatessen dans le Lower East Side à New York, pour ensuite s’attarder sur la nonchalance de joueurs de baskets noirs et le déhanchement tranquille d’un couple d’amoureux, on a l’impression d’être à la fin des années 1930, dans une époque assez insouciante, malgré la guerre outre-atlantique.
Une manière de filmer particulièrement nostalgique mais totalement réussie, un peu comme lorsque Michel Gondry ressuscitait Fats Waller dans Soyez sympas, rembobinez à travers l’énergie naïve et communicative du rappeur Mos Def et de Jack Black…
Le film est dédié à la mémoire d’Eric Pittard, l’ami de toujours, le compagnon des luttes, le complice, le bon-vivant… emporté par le cancer en septembre 2013 après avoir terminé son dernier long-métrage: De l’usage du sex-toy en temps de crise. Un amour (roman) s’achève sur une allée de noyers, prêts pour la récolte. Les textes et images de Richard Copans sont davantage qu’une œuvre personnelle façonnée par les souvenirs ou engagements familiaux. Ils constituent un relais entre plusieurs générations, entre Sim Copans, animateur d’une émission de jazz immortalisée par Georges Perec et des musiciens comme Michel Portal et Vincent Peirani aujourd’hui. Ces mots, ces images témoignent d’un amour fou pour la liberté personnelle et la joie de vivre qui malgré les diktats du marché n’auront jamais de prix…
Date de sortie : 25 mars 2015 (1h30min)
Réalisé par Richard Copans
Avec la voix de Dominique Blanc
Genre : documentaire
Nationalité : français
- Eric Pittard, Hors champ, un article d’Edouard Waintrop.
- « Play it again, Sim »: Sim Copans, ambassadeur de la musique américaine en France
Michel Oriano and Sim Copans, article publié dans la Revue française d’études américaines
Hors-Série: Play It Again, Sim… Hommages à Sim Copans (DÉCEMBRE 2001), pp. 6-15 - le site du festival de jazz dédié à la mémoire de Sim Copans.
1 réponse
[…] La première partie du documentaire de Richard Copans, dont on avait aussi beaucoup apprécié Un amour, chronique d’un amour pendant la seconde guerre mondiale entre les Etats-Unis et la France […]